LINDON VINCENT (1959- )
Un comédien engagé
Amorcé avec les films de Pierre Jolivet (Fred, 1997 : un grutier au chômage précipité dans un trafic d’amiante ; Ma Petite Entreprise, 1999 : un patron d’une ébénisterie artisanale en difficulté, mais qui s’en sort), l’ancrage dans la réalité économique rejoint l’engagement du comédien, conscient de ce qu’il veut représenter pour le public, notamment dans Welcome et La Loi du marché.
Miracles d’équilibre entre l’intime et les drames de société, ces films évoquent l’un la situation des migrants clandestins et l’autre le chômage de longue durée tels qu’ils sont perçus et vécus par un homme ordinaire, ni meilleur ni pire que les autres, mais qui va être conduit à voir, comprendre et amorcer une évolution. Simon, le maître-nageur de Welcome, se montre sensible à la détresse d’un très jeune Irakien coincé dans un squat de réfugiés, qui veut traverser la Manche à la nage. Il l’aidera jusqu’à se mettre lui-même en danger ; toutefois, son protégé se noiera à quelques mètres de l’Angleterre. Dans La Loi du marché, Thierry, à bout de ressources, devient agent de surveillance. Mais peut-on accepter de devenir le rouage consentant de cette violence sociale parce qu’on n’a pas d’autre choix ?
C’est dans ce type de films durs, émouvants et justes, que l’acteur semble vouloir s’investir dorénavant. Poursuivant sa collaboration avec Stéphane Brizé, le comédien prête son jeu aux divers portraits du monde de l’entreprise proposés par le réalisateur de La Loi du marché : on le découvre en leader syndical dans En guerre (2018), puis en chef d’entreprise qui se bat pour sauver ses salariés, dans Un autre monde (2022), hésitant entre désespoir et tentatives de dialogue social, dans un contexte qui met en lumière les dérives de l’ultralibéralisme.
Vincent Lindon ne refuse pas la diversité des rôles pour autant. En 2015, il interprète par exemple le troublant Joseph qui subjugue autant qu’il dégoûte la jeune Célestine dans l’adaptation du Journal d’une femme de chambre par Benoît Jacquot. En 2021, il incarne le pompier culturiste et père de substitution d’Alexia (Agathe Rousselle) dans Titane de Julia Ducournau, palme d’or à Cannes cette année-là. Recourant à plusieurs genres cinématographiques, de la science-fiction au film d’horreur, en passant par le thriller psychologique et le fantastique, ce film déconstruit de nombreux clichés sur la virilité et le rapport au corps des personnes transgenres.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification