BELLINI VINCENZO (1801-1835)
Principales caractéristiques de son œuvre
Pour rendre justice à Bellini, il faut bousculer quelques idées reçues.
Il a fait de solides études musicales et son inclination première le portait au style d'église : nous avons conservé certaines de ses partitions sacrées.
L'art de Bellini repose sur la juxtaposition plus que sur l'insertion dans un développement savamment élaboré. Mais il a un sens aigu de la progression dramatique, et l'invention mélodique n'est pas indépendante de cette dynamique. Un air peut être exposé d'une manière brève, presque fugitive, tel l'air d'Arturo « Eri tu dunque » à l'acte I de La Straniera. Les scènes s'organisent en plusieurs mouvements enchaînés : ainsi pour le don de l'anneau à la fin de l'acte I de La Sonnambula. Cette juxtaposition, qui incite le compositeur à jeter comme à pleines poignées ses inventions mélodiques, explique des reprises de motifs à l'intérieur d'un même opéra ou d'un opéra à l'autre. En 1830, par exemple, Bellini a repris dans I Capuleti e i Montecchi, version plutôt lointaine du Romeo and Juliet de Shakespeare, les principaux éléments de sa Zaira antérieure.
Le propre du bel canto tel que le conçoit Bellini n'est pas l'abandon au chant pur, mais l'expression juste des passions. C'est faute de l'avoir compris que Stendhal s'est montré injuste à l'égard du maître de Catane, et en particulier de La Straniera, une œuvre magnifique et injustement négligée, qui ne se réduit pas au mélodrame L'Étrangère, de Charles-Victor Prévôt, vicomte d'Arlincourt, qui en constitue la trame.
Le moment essentiel, dans un opéra de Bellini, est celui du « gel », qui marque un arrêt dans la progression du drame. Le sublime est atteint lorsque ce suspens conduit à une extase : la cantilène d'Imogene dans Il Pirata (« Col sorriso d'innocenza »), l'aria d'Isoletta dans La Straniera (« Ah ! se non m'ami più »). Cette caractéristique est celle de « Casta Diva », moment absolu de bel canto, sur un accompagnement d'arpèges et avec le déploiement éperdu de la flûte. Mais, comme dans Le Lac de Lamartine, le sentiment d'un temps immobilisé ne peut être qu'une illusion, et le drame l'emportera. Si Norma cède à la pente d'une rêverie nostalgique, qui se déploie en de nombreuses fioritures, sa prière à la Lune se transforme en une supplication secrètement adressée au proconsul romain, Pollione, pour qu'il redevienne celui qu'il était et pour qu'il la gratifie à nouveau d'un amour qui aurait retrouvé toute sa fraîcheur d'antan.
Il n'y a pas un opéra de Bellini qui éclipserait tous les autres, même pas le plus célèbre d'entre eux, Norma. On ne peut qu'être frappé par l'unité de l'ensemble de sa production. Il ne faut négliger ni Bianca e Fernando, ni même Adelson e Salvini, les œuvres de ses débuts. Zaira constitue un très bon exemple de fidélité et de liberté à la fois, dans le traitement que fait subir son librettiste préféré, Felice Romani, au texte de la tragédie Zaïre de Voltaire, avec par exemple le dédoublement du personnage de Corasmino. D'un point de vue technique, Les Puritains est sans doute l'œuvre qui va le plus loin, les actes cessant d'être une succession de morceaux et se resserrant dans une nouvelle unité. En France d'ailleurs, à sa mort, en 1835, Bellini était avant tout considéré, par Balzac par exemple, comme le compositeur des Puritains.
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Écrit par
- Pierre BRUNEL : professeur émérite de littérature comparée à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques
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