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GIOBERTI VINCENZO (1805-1852)

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Né à Turin, orphelin de bonne heure, éduqué par les prêtres, Gioberti est ordonné prêtre en 1825. Penseur vigoureux, esprit batailleur, dont le style « plein de splendeur et de bile » (Franscesco De Sanctis) contraste avec la simplicité du genre de vie, il est rapidement attiré par la question nationale. Influencé tout d'abord par la Giovine Italia (Jeune-Italie) de Mazzini, avec lequel il rompra rapidement, Gioberti, caractère indocile et mal vu de la hiérarchie ecclésiastique, est arrêté en 1833, révoqué de ses fonctions de professeur de théologie et, après six mois de détention, banni du Piémont. Il se rend à Paris, où il fréquente les milieux libéraux et les Italiens proscrits, puis s'établit à Bruxelles, où il enseigne la philosophie dans une institution privée. Entre 1838 et 1843 paraissent les œuvres qui expriment l'essentiel de ses doctrines. Gioberti est un pur intellectuel ; sa philosophie est une ontologie qui condamne le cartésianisme, le sensualisme du xviiie siècle, le psychologisme idéaliste de son contemporain Rosmini et l'éclectisme de Cousin. Dans la Teorica del sopranaturale (1838), l'Introduzione allo studio della filosofia (1840 ; Introduction à l'étude de la philosophie, trad. 1847) et les essais Sul bello (1841 ; Essai sur le beau, trad. 1843) et Del buono (1842), il tente de concilier la raison avec la foi, l'autorité avec la liberté. Pour lui, le contenu du dogme catholique est identique à celui de la civilisation, et il y a concordance parfaite entre religion et progrès civique. Gioberti applique son système au cas de l'Italie dans le Primato morale e civile degli Italiani (1843), où il entend démontrer que c'est le catholicisme qui fonde la primauté, laquelle revient à la Péninsule. Le souverain pontife a pour mission de permettre aux vertus du peuple italien de s'épanouir dans une réalité nationale : la Confédération italienne, dont il sera le chef. Rome deviendra « le siège civil et fédératif de la Péninsule » dont le Piémont, « principe dynamique », sera le rempart et l'épée. L'éloquente formulation du vieux mythe néo-guelfe valut à Gioberti une immense popularité. L'avènement de Pie IX (1846) et sa réputation de pape libéral semblaient montrer que le vœu giobertien était à la veille de se réaliser. Mais tout autant que l'hégémonie autrichienne sur l'Italie, c'est le pouvoir réactionnaire des Jésuites qui, pour Gioberti, freine le renouveau national. Il lance contre eux des attaques passionnées et reprendra inlassablement ce thème (Il Gesuita moderno, 1847 ; « La Suisse, Pie IX et les Jésuites », extraits trad. du Gesuita moderno, 1847 ; Apologia del Gesuita moderno, 1848).

La Révolution de 1848 inaugure la brève carrière d'homme d'État de Gioberti. Après avoir refusé un siège de sénateur, il est élu député au Parlement subalpin par sa ville natale. Son prestige est alors à son apogée et, lors de la première guerre d'Indépendance, il accomplit un voyage triomphal en Lombardie, en Toscane et dans les États de l'Église. On voit en lui l'arbitre de la situation. Mais déjà apparaissent les équivoques qui portent en elles les échecs futurs. Il ne peut arriver à un accord avec Mazzini, et Pie IX détruit le mythe d'un pape qui serait le régénérateur de l'Italie. Élu président de la Chambre, il entre dans le cabinet Casati, mais se démet dès la signature de l'armistice avec l'Autriche. Il n'est plus « l'homme de la nation », mais un homme de parti qui, déçu par la faillite du rêve néo-guelfe, subit une profonde évolution. Partisan de la reprise de la guerre, il se tourne vers les démocrates avancés et devient président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Gioberti dissout la Chambre, et, après la vague démocratique des élections de janvier 1849, il se trouve beaucoup plus prisonnier que chef de la nouvelle majorité de gauche. Son inaptitude à la pratique de l'administration, sa méconnaissance de la psychologie du personnel politique, le divorce entre le foisonnement de ses projets et l'incapacité à en imposer la réalisation éclatent au grand jour et motivent ce jugement de Cavour : « Gioberti est toujours un grand enfant de génie. Ce serait un grand homme, s'il avait le sens commun. » En désaccord avec ses ministres, il démissionne et mène une acerbe controverse contre ses anciens collègues. Après le désastre de Novare, il participe au cabinet Launay-Pinelli et est envoyé en mission à Paris pour inviter la France à soutenir la cause italienne. Mais il échoue et se retire. Refusant le siège de député que lui attribuent les élections de décembre 1849, il demeure en exil volontaire dans la capitale française, dans un digne et amer isolement, jusqu'à sa mort subite.

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En 1851, tirant la leçon des événements, il avait publié les deux gros volumes de son Rinnovamento civile d'Italia, à la fois testament politique et vision d'avenir, réquisitoire et autodéfense. Il attribue la réalisation manquée des objectifs du Primato à des causes profondes, liées à l'incapacité des institutions existantes de régénérer l'Italie. Le Risorgimento doit passer, préalablement, par le Rinnovamento de la Péninsule, opéré par le recours à la démocratie et, peut-être, à la république. Seule l'abolition du pouvoir temporel du pape assurera les progrès du catholicisme dans la société moderne. C'est au Piémont qu'il appartiendra de relancer la lutte pour l'indépendance. Le Rinnovamento postule l'union des conservateurs modérés et des démocrates, à l'écart des extrêmes, dans un connubio (mariage), pour une solution diplomatique de la question italienne. L'ultime message de Gioberti entraînera l'adhésion d'un grand nombre de patriotes à la monarchie constitutionnelle piémontaise.

— Paul GUICHONNET

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  • NÉO-GUELFISME

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    • 243 mots

    En 1843, l'abbé Vincenzo Gioberti publie en exil son Primato morale e civile degli Italiani : opposant la grandeur historique de son pays aux fausses valeurs propagées par la France, il propose son unification sous la forme d'un groupement des princes autour du pape, arbitre suprême. En 1845,...

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