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VINGT SIÈCLES EN CATHÉDRALES (exposition)

Sous un intitulé ambitieux, Vingt Siècles en cathédrales, l'exposition qui s'est tenue à Reims dans le palais du Tau, du 29 juin au 2 décembre 2001, a montré à travers les maquettes anciennes les pièces des trésors religieux, les tableaux et les vitraux, la cathédrale moins comme monument d'architecture que comme objet saisi dans les pratiques quotidiennes et les formes de la vie sociale. Catherine Arminjon et Denis Lavalle ont réussi à faire voir aux très nombreux visiteurs que la cathédrale, en France, avait toujours été liée à la pensée sur l'histoire et sur le patrimoine, du royaume d'abord, de la nation ensuite. Dans la mémoire collective, chacun des grands édifices consacrés, selon la typologie partout admise des églises cathédrales, Bourges, Chartres, Paris, Amiens, Reims, Strasbourg, compose un des traits essentiels du paysage français monumental. Du reste, en dehors de la manifestation mais s'y rattachant d'une certaine manière, il n'est que de voir le succès remporté par la toute nouvelle collection des éditions Zodiaque, Le Ciel et la pierre, qui propose déjà à son catalogue quatre des six cathédrales mentionnées. L'édifice de la cathédrale est en effet « un monument exceptionnel », celui de la « longue durée » par excellence, ainsi que le note Jacques Le Goff dans sa préface, tout ensemble lieu de mémoire et lieu de vie en commun.

Le xixe, puis le xxe siècle l'ont mis en évidence en France et en Europe, faisant de la cathédrale, l'un le vis-à-vis de la nation, l'autre la maison du peuple à l'intérieur ou aux abords de laquelle se recrée toujours le double lien, social et culturel, qui est le ferment nécessaire à la vie en commun. Certes, le xxe siècle apparaît en vue perspective comme un siècle de pauvreté, durant lequel l'on ne construit plus de cathédrale, Notre-Dame d'Évry (1988-1996) constituant l'exception originale, mais il fut bien celui du sauvetage et plus encore celui de la transformation du monument en lieu d'images et de lumière. C'est ainsi que, pendant les années 1920-1960, les maîtres-verriers règnent à Reims, Chartres, Senlis, Paris, Beauvais et Soissons ou encore à Mantes. À partir de 1981, au dialogue maîtrisé des verriers, des inspecteurs des Monuments historiques, du clergé, s'ajouta comme une dernière voix, la plus importante peut-être pour la pensée de la cathédrale, celle des artistes contemporains, par exemple à Nevers, Blois, Digne, Orléans. « Plus et mieux qu'un musée », selon l'expression de Bruno Foucart, l'église de l'évêque en son diocèse peut alors abriter tout contre ses murs les musées qu'on serait tenté d'y placer.

Pourtant, à l'époque paléochrétienne, puis durant le haut Moyen Âge, l'image de la cathédrale restait difficile à fixer dans la topographie urbaine et dans les pratiques courantes du culte chrétien. Peu à peu, au cours des siècles et surtout à partir de la fin du xe, à l'occasion des reconstructions nombreuses d'églises épiscopales, la tendance s'inversa et, dès les années 1025, la cathédrale s'imposa au cœur de l'histoire monumentale française. Aux xiie et xiiie siècles, l'efflorescence du gothique recouvrit tout le nord du royaume et se prolongea au sud de la Loire au xive siècle, en des entreprises hardies qui demeurèrent malheureusement inachevées par la faute des circonstances. La fortune de l'église de l'évêque était faite, et d'abord grâce à lui, qui sut tenir les tout premiers rôles aux xe-xie siècles, puis grâce aux collèges de chanoines, aux fabriques, à partir du xiiie siècle, et aux communautés de fidèles ; pas vraiment aux rois, qui ne contribuèrent pas beaucoup à ces constructions, préférant réserver leurs ressources aux églises des ordres mendiants.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne

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