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VIOLENCE, notion de

Bien qu'il s'agisse d'une notion à bien des égards trop familière, il est difficile de définir la violence. À cela, de multiples raisons. Et d'abord, le fait qu'elle recouvre des comportements très disparates. On parle de violences domestiques et de violences politiques, de violences physiques et de violences morales, tous comportements qui, assurément, ne se situent pas sur le même terrain et peuvent revêtir des degrés très différents d'intensité. Si l'on s'accorde à qualifier de violents des actes largement réprouvés comme les agressions de toute sorte, les attentats et actes de terrorisme, les bavures policières ou les rixes entre gangs, un autre vocabulaire est d'usage quand il s'agit de l'emploi légitime de la force pour faire exécuter une décision de justice ou pour répondre par les armes à une agression non provoquée. On préfère alors parler de coercition ou de contrainte, de légitime défense ou d'opérations de maintien de l'ordre.

Typologie de la violence

Dans une première conception, très courante aussi bien en philosophie politique que dans le langage commun, la violence est considérée comme l'emploi inacceptable de la force. À ce titre, elle implique automatiquement une condamnation morale. S'il s'agit de violences extrêmes comme les tortures, les exécutions de masse, les traitements humiliants et dégradants, un consensus s'établira aisément sur le qualificatif. Mais, dans de nombreux conflits sociaux ou politiques, il y a désaccord sur le caractère inacceptable des moyens employés. La « colère des travailleurs » est l'excuse invoquée par bien des organisateurs de manifestations qui tournent mal ; symétriquement, les pouvoirs publics plaideront la nécessité de réduire « les fauteurs de troubles » pour justifier l'emploi de la force. Une fraction de l'opinion palestinienne refuse de condamner les attentats, voire les « bombes humaines », en invoquant l'absence de moyens militaires opposables aux missiles israéliens. Dans tous ces argumentaires, la vraie violence est le fait de l'autre. La sienne propre, souvent niée comme telle, est appelée légitime défense ; elle n'est qu'une réponse, appropriée, à une agression antérieure. Néanmoins, il arrive que la violence soit explicitement revendiquée comme un mode nécessaire d'affirmation de soi. Chez Héraclite d'Éphèse (fin vie-début ve siècle av. J.-C.), la violence appartient à la nature antagonique de l'Être ; pour Hegel, elle s'intègre dans le « travail du négatif » (Préface de la Phénoménologie de l'esprit, 1807) ; Friedrich Nietzsche y décèle une libération d'énergie vitale victorieusement opposée aux contraintes qui étouffent la vie. Jean-Paul Sartre, préfaçant le livre anticolonialiste de Frantz Fanon Les Damnés de la terre (1961), la définit comme l'acte libérateur par excellence du dominé.

Dans une autre approche de la violence, on cherche à se distancier de toute interférence morale en se plaçant sur un terrain que l'on aimerait objectif. Nombre d'auteurs, surtout en sciences sociales, veulent retenir un critère empirique facilement repérable : celui de l'atteinte physique aux personnes ou aux biens, quelle qu'en soit l'intention ou la légitimité. Cette définition de la violence inclut toute forme de recours aux armes, menée par les États ou dirigée contre eux ; elle concerne tout affrontement entre groupes sociaux, organisations politiques, individus, qui provoque des dommages corporels ou matériels. Elle peut parfois inclure la simple menace lorsque celle-ci annonce, de façon plausible, une concrétisation effective.

La violence physique présenterait alors deux visages bien distincts. D'un côté, une violence réfléchie, maîtrisée, proportionnée à la fin recherchée[...]

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  • : professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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