VIOLENCE (notions de base)

La guerre, moteur de l’histoire ?

Mais, en supposant qu’une éducation plus efficiente puisse réduire la part de violence présente dans chacun des individus, en quoi pourra-t-elle éliminer de la surface de la Terre les affrontements qui ont lieu entre les nations ? Nous retrouvons ici la distinction entre violence intragroupe et violence intergroupes. S’il est raisonnable de penser que la violence des individus à l’intérieur de la société peut reculer, d’une part avec l’éducation et la « civilisation des mœurs » chère à Norbert Elias, d’autre part avec l’autorité d’un État « qui les maintienne tous en crainte », pour reprendre les mots du Léviathan de Thomas Hobbes (1588-1679), ne sommes-nous pas contraints de constater, que loin de régresser, la violence entre nations n’a fait que grandir au cours de l’histoire ?

Quand les philosophes ont placé la guerre au centre de leurs réflexions, bien rares sont ceux qui ont annoncé sa prochaine disparition. Pour que la guerre disparaisse, Emmanuel Kant (1724-1804), G. W. F. Hegel (1770-1831) et tous ceux qui leur ont succédé, ont considéré qu’il faudrait que naisse une autorité supérieure aux États et capable de s’imposer à chacun d’eux, de la même façon que l'autorité de l'État a su s'imposer aux citoyens à l’intérieur des frontières nationales. Tant que cela ne sera pas le cas, les États vivront les uns par rapport aux autres dans un « état de nature » où règne la loi du plus fort. Mais, quand ils tournent leur regard vers le passé, ces philosophes justifient tous la guerre. Kant lui-même, qui a rêvé d’une « Société des Nations » propre à assurer la paix mondiale, doit reconnaître que la compétition violente entre États a pu être bénéfique aux progrès de l’humanité. On peut bien entendu substituer imaginairement à l'humanité historique une espèce paisible où les groupes ne se seraient jamais affrontés, mais ses membres auraient-ils mené une autre vie que celle de « bergers d’Arcadie » ? Ces hommes « doux comme les agneaux qu’ils font paître, ne donneraient à l’existence guère plus de valeur que n’en a leur troupeau domestique » (Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784). Reste donc à faire l’hypothèse que, de guerre en guerre, l’humanité suit sans en être consciente « un plan caché de la nature pour produire une constitution politique parfaite » (ibidem).

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Écrit par

Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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