VIRUS GÉANTS
Les deux premiers virus géants : Mimivirus et Megavirus
Les deux virus géants les mieux caractérisés parasitent un genre d'amibes appelé Acanthamoeba. Ce protozoaire se trouve dans l'environnement, dans les milieux aquatiques naturels, mais aussi dans nos systèmes de climatisation, les tours de refroidissement, et même dans les circuits d'eau chaude des hôpitaux où elles peuvent être la cause indirecte de la fameuse « maladie des légionnaires » ou légionellose. En effet, Legionella, la bactérie responsable, est un parasite très habituel d'Acanthamoeba. C'est d'ailleurs en recherchant l'origine d'une épidémie de pneumonie à Bradford que Tim Rowbotham isole, sans le savoir, le premier virus géant en 1992. Initialement, il est pris pour un nouveau type de bactérie parasite et baptisé Bradford coccus ; ce n'est que dix ans plus tard que la nature virale de « Mimivirus » (pour microbe mimicking virus) est enfin découverte.
Beaucoup plus récemment, un cousin éloigné de Mimivirus, a été isolé tout près des côtes chiliennes, et a reçu le nom de Megavirus chilensis. Bien que ne partageant qu'environ la moitié de leurs gènes, ces deux virus ont en commun une taille de génome record : environ 1,2 million de nucléotides d'ADN double brin, contenu dans des particules géantes de 750 nanomètres, qui apparaissent recouvertes de cheveux en microscopie électronique. Ces cheveux forment une paroi très résistante dont la composition biochimique s'apparente à celle dont s'entourent les spores bactériennes. Trompées à la fois par la taille et par le « goût » de ces particules virales, les amibes s'infectent par le même processus de phagocytose qui leur sert normalement à ingurgiter les bactéries qui sont leur alimentation naturelle.
Une fois dans la vacuole de phagocytose, la particule virale s'ouvre et libère une première membrane lipidique, dont la fusion avec la membrane de la vacuole permet le passage du « cœur » du virion dans le cytoplasme de l'amibe. C'est à partir de cette entité, dénommée graine (seed en anglais) et initialement circonscrite dans une dernière membrane, que va débuter le cycle de réplication. Si la composition moléculaire de la graine n'est pas connue dans le détail, on sait néanmoins qu'à côté du matériel génétique, les virions contiennent plus de 150 protéines prêtes à fonctionner, dont un système complet de réparation, de transcription et de réplication de l'ADN, mais aussi de nombreux enzymes intervenant dans des voies biosynthétiques variées. En une dizaine d'heures, cette graine passe du volume qu'elle occupait dans la particule virale à une gigantesque « usine à virions » d'un diamètre de plusieurs micromètres, d'où vont bourgeonner un millier de nouvelles particules, qui vont finir par remplir l'amibe et s'en échapper, prêtes à initier de nouvelles infections.
En contraste avec la conception habituelle qui voit le virus comme une entité biologique minimale rassemblant une poignée de gènes optimisés pour le détournement du métabolisme cellulaire (et donc la prise de contrôle du noyau des eucaryotes), on assiste à la mise en place d'une sorte de micro-organisme intracellulaire transitoire, au sein d'un hôte passif dont le cytoplasme est utilisé comme un simple milieu de culture fournissant les molécules et l'énergie nécessaires. La complexité du génome des virus géants et leurs milliers de gènes (1 018 pour Mimivirus, 1 260 pour Megavirus) sont donc sans rapport avec la structure de la particule virale, mais nécessaires à l'accomplissement d'un véritable programme de développement, qui va de la graine initiale à une usine à virions produisant mille nouvelles particules. Les produits d'expression de la grande majorité des gènes de ces virus géants ont pour fonction la mise en place et[...]
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Écrit par
- Chantal ABERGEL : directrice de recherche au CNRS
- Jean-Michel CLAVERIE : professeur des Universités, directeur de recherche au CNRS, praticien hospitalier
Classification
Médias
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