VIRUS
Les virus tumorigènes
La notion de cancer transmissible par un virus remonte au début du siècle. En 1907, puis en 1911, l'apparition rapide d'une tumeur chez un poulet infecté par un extrait tumoral aviaire avait en effet déjà été constatée (Ellerman, Bang et Rous). S'agissant d'extraits filtrés de manière à retenir les bactéries, la transmission à caractère infectieux ne pouvait qu'être le fait de virus.
On sait aujourd'hui que ces activités tumorigènes étaient transmises par le virus de l'érythroblastose aviaire et par le virus du sarcome de Rous. Depuis le milieu des années 1970, de nombreux autres virus tumorigènes ont été découverts, tandis que plusieurs mécanismes viraux de transformation cellulaire ont été caractérisés à l'échelle moléculaire. Des mécanismes analogues ont ensuite été mis en évidence dans les tumeurs d'origine non virale, qui constituent la grande majorité des cancers. Les virus tumorigènes apparaissent ainsi comme des agents, parmi d'autres, de mécanismes probablement très généraux de transformation cellulaire. C'est toutefois l'étude du cas particulier des tumeurs d'origine virale qui a ouvert la voie à la compréhension des mécanismes moléculaires du cancer, toutes étiologies confondues.
La transformation tumorale d'une cellule par un virus passe toujours par l'intégration du génome viral au génome cellulaire, sous forme de provirus. Le phénomène est donc constaté avec des rétrovirus, qui connaissent systématiquement cette étape d'intégration dans leur cycle, et avec des virus à ADN, dont l'intégration est beaucoup plus inhabituelle et peut être qualifiée d'accidentelle tant que les causes n'en sont pas connues.
En ce qui concerne les mécanismes de la tumorisation, on distingue les virus oncogènes, qui sont des rétrovirus induisant des transformations cellulaires extrêmement rapides et polyclonales, et les virus lents, qui comportent des virus à ADN et des virus à ARN, parfois seulement responsables de transformations monoclonales lentes.
Les virus oncogènes, dont font partie les deux virus aviaires observés au début du siècle, doivent leur activité tumorigène à la présence d'un oncogène dans leur génome. La découverte du premier oncogène, en 1975, dans un virus (Wang) a été suivie, dès l'année suivante, de l'observation du même oncogène, sous une forme peu différente dite proto-oncogène, dans le génome de cellules saines (Stéhelin, Bishop, Varmus).
Depuis lors, l'étude systématique des virus tumorigènes des oiseaux, des rongeurs, des félins et des singes a permis d'identifier des dizaines de virus oncogènes et d'oncogènes distincts – par exemple, le virus de l'érythroblastose aviaire porte l'oncogène v(pour viral)-erb B ; le virus de la leucémie murine, v-abl ; le virus du sarcome félin, v-kit ; le virus du sarcome simien, v-sis. Ces oncogènes viraux v-onc ont tous été retrouvés sous forme de proto-oncogènes dans différentes cellules eucaryotes, de la levure aux cellules de vertébrés supérieurs.
Les proto-oncogènes cellulaires codent des protéines qui assurent une fonction clé de la différenciation ou de la division cellulaire. Il s'agit typiquement de facteurs de croissance, de récepteurs à ces facteurs ou, encore, de kinases, c'est-à-dire d'enzymes phosphorylant d'autres enzymes pour en réguler l'activité. Un oncogène cellulaire, c(pour cellulaire)-onc, est une forme mutée du proto-oncogène correspondant ; mutation qui aboutit à une dérégulation soit de l'expression du gène, soit de l'activité de la protéine qu'il code.
La dérégulation et l'activation constitutive d'une fonction clé de la division cellulaire suffisent à induire la prolifération des cellules. En apportant dans la cellule un oncogène[...]
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Écrit par
- Vincent BARGOIN : biologiste, journaliste médical
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