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VIRUS

Virus et biologie

Les virus représentent en biologie plus qu'une compilation de connaissances. Ils forcent la réflexion sur les mécanismes de l'évolution.

Les rétrovirus et les virus oncogènes ont été des découvertes déroutantes. Fait exceptionnel en biologie, on connaît pour ces derniers, à l'échelle moléculaire, l'origine d'une propriété acquise par l'espèce : la propriété oncogénique. Un virus oncogène est initialement un rétrovirus au génome dépourvu d'oncogène. Celui-ci est acquis dans la cellule hôte, au cours d'une infection, par un processus dit de transduction. Le provirus, ou un fragment de provirus, étant intégré à proximité d'un oncogène cellulaire, un transcrit qui couvre l'ensemble provirus-oncogène est émis dans le cytoplasme, et encapsidé, de la même manière qu'un génome viral original. Cet ARN, qui porte un oncogène, constitue dès lors le génome d'un nouveau virus, qui sera transmis comme tel aux descendants. Un oncogène viral a donc une origine cellulaire. Le virus du sarcome de Rous, par exemple, est à l'origine un rétrovirus non oncogène, qui a acquis une nouvelle propriété, c'est-à-dire évolué, par transduction de l'oncogène src dans une cellule infectée.

Outre que la notion de pathogénicité issue d'espèces hôtes est inconfortable, le mécanisme de transduction permet toutes les questions sur l'origine de propriétés biologiques, dont les activités pathogènes ne sont peut-être qu'un cas particulier, acquises en dehors de la voie héréditaire habituelle, dans le cadre de phénomènes dits épigénétiques.

Ce sont les rétrovirus, oncogènes ou non, qui ont ouvert ces questions, en montrant que l' information génétique peut circuler de l'ARN vers l'ADN, c'est-à-dire remonter à contre-courant l'expression habituelle du génome. Jusqu'à la découverte de l'activité transcriptase inverse au début des années 1970 (Beljanski, Temin, Baltimore), la biologie moléculaire revendiquait pour dogme la circulation de l'information à sens unique, de l'ADN du noyau cellulaire vers l'ARN, la qualification de dogme laissant entendre que cette représentation d'une détermination par l'héritage, sous la forme d'un noyau hérité et donneur d'ordres, sans expression réciproque de la périphérie, constituait aussi une option philosophique. Avec les rétrovirus, il est apparu que l'information génétique peut circuler entre un virus et son environnement cellulaire, par la transcription d'ARN en ADN, aussi bien qu'entre une cellule et son environnement viral, par la transduction de gènes. Les références devenant relatives, il a fallu remettre à plat la hiérarchisation telle qu'on la percevait en biologie.

Rien n'est encore venu la remplacer. Et il ne faut d'ailleurs plus attendre de conception causale, sinon arbitraire, si l'actuel plan de base de la biologie qu'est l'organisation moléculaire du vivant n'est remanié que par le hasard, comme le prévoient aussi bien la thermodynamique que la théorie de l'évolution par mutations aléatoires. Il est pourtant manifeste que, au niveau actuel des connaissances sur le génome et des pratiques en biologie moléculaire, le hasard comme déterminant moléculaire handicape la recherche, la contraignant à l'empirisme, donc à des méthodes coûteuses à tous points de vue. Pour des considérations touchant aux méthodes aussi bien qu'à la connaissance, l'idée fait donc son chemin en biologie de réintégrer des phénomènes jusqu'à présent tenus pour stochastiques dans une causalité. Voilà un siècle, Pasteur mettait fin à la notion de génération spontanée des micro-organismes ; il s'agirait de mettre fin à la même notion pour ce qui concerne la « génération » et l'évolution[...]

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