VISAGES VILLAGES (A. Varda et JR)
Sortir des villes
Dès le mois de mai 2016, les deux complices présentent leur projet dans l’auditorium du musée du Louvre à Paris. JR vient d’installer alors sur la Pyramide une immense photographie anamorphique, reproduisant la façade est de la cour Napoléon et donnant l’illusion de la disparition du monument de Ieoh Ming Pei. Varda et JR ont déjà commencé leur tournage à travers la France. Financé en partie par une plate-forme participative, le film est présenté hors compétition au festival de Cannes 2017 et sort sur les écrans le 28 juin.
S’éloignant des centres urbains (Agnès Varda souhaitant « sortir JR des villes »), tous deux se déplacent dans le « camion photographique » du street artist, alternant conversations de hasard et interventions programmées. Le camion est un véritable studio portatif, accentuant l’aspect artisanal de leur travail et les identifiant tous deux aux opérateurs Lumière des débuts du cinématographe. Mineurs émérites de Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), mémoire du photographe Guy Bourdin sur une plage normande, carillonneur du Vaucluse, agriculteur du Val-d’Oise, épouses des dockers en grève du Havre… toutes les étapes sont prétextes à la rencontre, à la prise de parole, à la prise de vue. Et, toujours, finalement, à l’affichage de ces clichés monumentaux – portraits revêtant les murs des corons, les blockhaus ou les amoncellements de conteneurs. Une délicatesse, une acuité du regard, une disponibilité à l’autre qui ont poussé certains critiques à accuser Varda et JR de démagogie. Si leurs carrières respectives ne suffisaient pas à faire fi de cette mise en cause, le film respire assez de générosité et d’empathie pour balayer l’argument.
La conclusion du voyage, après de nombreux dialogues Varda-JR entre les rencontres, prend une dimension dramatique. Sur les bords du lac Léman, à Rolle, Jean-Luc Godard, que Varda a filmé en clown blanc aux côtés d’Anna Karina dans un court-métrage muet de 1958, honorera-t-il le rendez-vous qu’elle lui donne presque soixante ans plus tard ? Le suspense final de Visages, villages achève d’en faire un moment vertigineux de cette année cinématographique.
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
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