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VISION Perception visuelle et conscience

L'approche scientifique de la conscience, du fait de sa nature subjective, a été très tardive. Elle a essentiellement concerné la perception visuelle car, outre qu'elle est la modalité sensorielle dominante chez les primates, elle se prête particulièrement bien à une approche expérimentale intégrée couplant état-conditionnement psychologique et activité du système nerveux central. Ce n'est que très récemment, grâce aux progrès technologiques en informatique, en neurophysiologie et en neuro-imagerie, que l’existence d’une perception visuelle sans conscience a été clairement démontrée chez le sujet sain et chez certains patients cérébro-lésés. Cette démonstration, d'un intérêt crucial, a ouvert la voie à l'investigation expérimentale du substrat cérébral de la conscience visuelle.

Approche cognitive : étude de la perception sans conscience chez les sujets normaux

La procédure expérimentale classiquement utilisée depuis une quinzaine d'années pour démontrer l'existence d'une perception non consciente, dénommée encore perception inconsciente ou perception subliminale (littéralement, en dessous du seuil de perception consciente), est le « paradigme d'amorçage ». Ce paradigme permet, par l'analyse des temps de réponse, de spécifier à quel niveau, perceptif et/ou cognitif, sont traités les stimuli non consciemment perçus. Dans ce paradigme, le stimulus (la cible) auquel doit répondre le sujet est précédé d'un autre stimulus (l'amorce) lié ou non morphologiquement ou sémantiquement à la cible. L'amorce est présentée très brièvement et suivie d'une image « masque » de façon à ne pas être consciemment perçue par les sujets. Typiquement, les résultats expérimentaux montrent que l'amorce influence le traitement de la cible (Hirshman et Durante, 1992). Prenons par exemple une tâche de reconnaissance de mots. Si la tâche est de reconnaître le mot « œuf » (cible) et qu'avant la présentation de celui-ci on présente le mot « poule » (amorce liée sémantiquement à la cible), même si l'amorce « poule » n'est pas consciemment perçue, elle facilite la lecture du mot cible « œuf » : le temps d'identification est ici plus rapide que dans les conditions sans amorce ou avec une amorce non liée sémantiquement (par exemple, le mot « table »). Les expériences d'amorçage subliminal bénéficient à l'heure actuelle des techniques d'imagerie cérébrale fonctionnelle qui permettent un enregistrement de l'activité cérébrale en temps réel lors de l'expérimentation (Dehaene et collaborateurs, 1998).

Dans ces études, l'amorce subliminale semble être traitée sur le plan cognitif de manière aussi approfondie que la cible perçue consciemment. Pourquoi, si les traitements sont similaires, l'un débouche-t-il sur la conscience du stimulus traité et l'autre pas ? Qu'est-ce qui, au niveau cérébral, différencie la perception consciente de la perception non consciente ?

La neuropsychologie est une clé particulièrement appropriée pour aborder le corrélat anatomique de la conscience. En effet, comme nous allons le voir, certaines lésions corticales peuvent entraver la perception visuelle consciente tout en préservant certaines capacités de détection, localisation et reconnaissance visuelles inconscientes. La caractérisation des lésions cérébrales responsables de telles dissociations pourrait donc permettre de spécifier les substrats cérébraux de la conscience.

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Écrit par

  • : directrice de recherche CNRS, responsable de l'équipe Perception, action et développement cognitif, Centre de neurosciences intégratives et de la cognition, UMR 8002, CNRS, université Paris-Descartes, directrice de l'Institut de neuropsychologie, neurovision et neurocognition
  • : professeur de psychologie cognitive

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Médias

Perception visuelle : expérience de Perenin et Jeannerod - crédits : Encyclopædia Universalis France

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