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VISION Perception visuelle et conscience

Approche neuropsychologique : dissociation entre perception consciente et non consciente après une lésion cérébrale

En plus de son intérêt pour l'étude des corrélations anatomo-cliniques et des localisations cérébrales des processus cognitifs, la neuropsychologie permet d'étudier les aspects conscients et inconscients de ces processus. En effet, si pendant longtemps les divers troubles des fonctions supérieures consécutifs à une lésion cérébrale ont été interprétés en termes de déficit absolu, depuis quelques années de nombreuses données indiquent que des patients cérébro-lésés peuvent faire preuve de connaissances inconscientes ou implicites portant sur des informations qu'ils ne peuvent explicitement percevoir, identifier ou traiter sémantiquement. L'étude chez ces patients des dissociations entre savoir explicite et implicite, observées dans différentes modalités sensorielles à l'aide de protocoles variés, représente un moyen heuristique d'étudier la conscience et ses bases cérébrales.

Savoir explicite et savoir implicite

Le savoir explicite peut être assimilé à une connaissance que les sujets sont conscients d'avoir. Par opposition, le savoir implicite renvoie à des connaissances que le sujet n'a pas conscience d'avoir mémorisées. Les connaissances implicites sont d'ailleurs recueillies indirectement et sont exprimées de manière non intentionnelle par le sujet. La première observation d'une dissociation entre savoir explicite et implicite remonte à Korsakoff (1889). Il interprétait ce phénomène en termes de possibilité, conservée pour les patients amnésiques, de retenir les traces mnésiques pouvant affecter le comportement de manière inconsciente, tout en étant trop faibles pour pénétrer dans la mémoire consciente. Claparède, dès 1911, décrivait ainsi le cas d'une patiente qui refusait de lui serrer la main après qu'il la lui avait serrée avec une punaise, bien qu'elle fût incapable de se souvenir consciemment de l'incident. Par la suite, les recherches menées à partir des années 1970 auprès de patients amnésiques ont confirmé la distinction entre mémoire implicite et explicite en utilisant en particulier des tâches d'amorçage comme celles déjà citées. Ces protocoles ont permis de démontrer que des patients amnésiques peuvent, tout comme des sujets normaux, bénéficier de la présentation préalable d'une amorce pour détecter ultérieurement une cible, même en l'absence du souvenir explicite de l'amorce. Après avoir concerné essentiellement les performances des patients amnésiques, l'étude des dissociations entre savoir explicite et implicite s'est étendue à d'autres domaines de la neuropsychologie, et en particulier aux troubles neurovisuels d'origine centrale.

Vision aveugle

Perception visuelle : expérience de Perenin et Jeannerod - crédits : Encyclopædia Universalis France

Perception visuelle : expérience de Perenin et Jeannerod

Depuis Holmes (1918), il est établi qu'une lésion du cortex visuel primaire (cortex occipital) entraîne chez l'homme une perte des capacités visuelles dans la région correspondante du champ visuel. Ce déficit touche l'ensemble du champ visuel en cas de lésion bilatérale (cécité corticale), mais seulement un hémichamp visuel en cas de lésion unilatérale : l'hémichamp du côté opposé à la lésion (hémianopsie latérale homonyme). Historiquement, ces amputations du champ visuel ont tout d'abord été décrites en termes de déficit absolu, le patient étant présenté comme souffrant d'une perte de toute sensation visuelle. Mais, depuis les années 1970, de nombreuses recherches ont montré que, inconsciemment, le sujet faisait preuve de certaines capacités de traitement visuel. Pour rendre compte de ces capacités visuelles résiduelles dans des zones du champ visuel s'étant révélées « aveugles » lors de l'examen clinique, Weiskrantz et ses collaborateurs (1974) ont utilisé le terme paradoxal de « vision aveugle » ([...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche CNRS, responsable de l'équipe Perception, action et développement cognitif, Centre de neurosciences intégratives et de la cognition, UMR 8002, CNRS, université Paris-Descartes, directrice de l'Institut de neuropsychologie, neurovision et neurocognition
  • : professeur de psychologie cognitive

Classification

Médias

Perception visuelle : expérience de Perenin et Jeannerod - crédits : Encyclopædia Universalis France

Perception visuelle : expérience de Perenin et Jeannerod

Perception visuelle : dépistage de la négligence - crédits : Encyclopædia Universalis France

Perception visuelle : dépistage de la négligence

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Perception visuelle : rivalité binoculaire

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