VISION Perception visuelle et conscience
Recherche des substrats cérébraux de la conscience
La perception visuelle met en jeu un important réseau neuronal, dont l'étendue précise dépend de la nature de la tâche et du contexte. Dans un premier temps, les recherches utilisant l'imagerie cérébrale fonctionnelle chez le sujet sain ont visé à isoler les structures corticales susceptibles d'être impliquées dans le processus de perception consciente. Les premières recherches ont particulièrement insisté sur les aires du cortex inféro-temporal, reconnues pour être fortement impliquées dans la reconnaissance visuelle. Mais il s'est rapidement avéré que, comme nous l'avons vu plus haut concernant les troubles neuropsychologiques de la conscience visuelle, non seulement le cortex inféro-temporal mais également le cortex pariétal, les aires pré-frontales et frontales et probablement certaines structures sous-corticales étaient impliquées dans la conscience de la perception (Rees, 2001).
Si ce n'est pas une aire spécifique qui sous-tend la perception consciente, quelles sont les hypothèses anatomo-fonctionnelles alternatives ? La littérature en suggère quatre principales (Whatam, Vuilleumier, Landis et Safran, 2003). La conscience perceptive pourrait être générée :
– par l'activité d'un système ou d'une voie cérébrale donnée ;
– par l'intégration d'informations dans un espace neuronal de travail commun ;
– par une fonction distribuée dans une multitude d'aires cérébrales assurant chacune une fonction ;
– par le phasage de l'activité de plusieurs aires cérébrales.
Ces hypothèses ne sont pas exclusives. Pour l'instant, il n'y a guère d'arguments théoriques et expérimentaux favorables aux deux premières hypothèses, au contraire des deux dernières qui semblent à ce jour plus prometteuses. Dans la distribution des aires assurant chacune une fonction, le cortex visuel primaire apparaît jouer un rôle princeps, non seulement en tant que cortex d'entrée des informations rétiniennes, mais également en tant que sorte de « tableau noir » où s'opère « en ligne » le traitement visuel en fonction de l'activité des autres aires du réseau. Par ailleurs, il semblerait qu'un phénomène neural transitoire concernant l'ensemble des aires concernées par l'acte perceptif soit un moment clé de l'accès à la conscience : la synchronie d'activité de ces différentes aires.
Le cortex visuel primaire comme « tableau noir » du traitement visuel
Des études récentes, utilisant la technique de stimulation magnétique transcrânienne, indiquent que, dans le dialogue intracérébral, la transition par le cortex visuel primaire semble être une condition sine qua non pour faire l'expérience d'une perception visuelle consciente. La stimulation magnétique permet de perturber de manière non invasive, immédiatement et transitoirement, l'activité d'une zone cérébrale donnée (Robertson, Théoret et Pascual-Leone, 2003). Les travaux portant sur le cortex primaire ont montré qu'une stimulation appliquée sur ce cortex une centaine de millisecondes après la présentation du stimulus, dans le but d'inhiber son activité, empêchait la perception consciente du stimulus (Amassian et al., 1988 ; Corthout et al., 1999). L'hypothèse explicative formulée par les auteurs est que cette stimulation ne permet plus au cortex primaire de traiter les informations neurales descendantes issues des aires supérieures et que ce traitement est nécessaire pour que, à un certain moment, la perception accède à la conscience. L'expérience de Pascual-Leone et Walsh (2001) utilisant deux stimulations conjointes corrobore ce point de vue. Une stimulation magnétique appliquée sur l'aire du mouvement MT génère chez le sujet la perception de phosphènes (perception illusoire de taches lumineuses en mouvement). Les auteurs montrent que, si[...]
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Écrit par
- Sylvie CHOKRON : directrice de recherche CNRS, responsable de l'équipe Perception, action et développement cognitif, Centre de neurosciences intégratives et de la cognition, UMR 8002, CNRS, université Paris-Descartes, directrice de l'Institut de neuropsychologie, neurovision et neurocognition
- Christian MARENDAZ : professeur de psychologie cognitive
Classification
Médias
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