VISION Vision et évolution animale
« Tu as vu ce qu'il a dit ? » Cette expression illustre le rapport que nous, humains, construisons avec notre monde. La quasi-totalité de notre interprétation consciente des objets et des situations repose sur la vision, même lorsque la vue ne constitue pas le meilleur des sens pour en apprécier les caractéristiques essentielles. Pensez aux illusions d'optique ou au malaise provoqué par la projection sur un écran parabolique d'une séquence d'acrobaties aériennes. Nos yeux inondent le cerveau d'informations de déplacements à grande vitesse, alors que le corps et le sens de l'équilibration ne détectent aucune preuve physique de tels mouvements brusques. Le cerveau est soumis à un conflit perceptif qui peut aboutir à des nausées... et pour les plus sensibles à des pertes d'équilibre, voire à des chutes.
Quoi d'étonnant donc si l'une des interrogations les plus courantes concernant les animaux est : « Comment voient-ils le monde ? »
Pas seulement une histoire d'yeux
Pour savoir ce que les animaux peuvent voir, le premier réflexe consiste à chercher à identifier des yeux, ou leur équivalent, et à en étudier les caractéristiques optiques et physiologiques. C'est un bon point de départ, mais c'est loin d'être suffisant. En effet, les yeux ne sont que des organes sensoriels, c'est-à-dire des organes capables de mesurer certaines grandeurs physico-chimiques (intensité lumineuse, vibrations, concentration de substances chimiques...), et plus particulièrement leur variabilité dans le temps. Ces données demandent ensuite à être déchiffrées.
Les informations sensorielles, qu'elles soient visuelles ou non, sont analysées, comparées et interprétées par le système nerveux ; elles conduisent à une réaction de l'animal. Cette dernière se traduit le plus souvent par un mouvement et constitue un comportement adapté aux informations sensorielles reçues, ou du moins à l'interprétation qu'en fait le système nerveux. Ainsi, la vision, comme tous les autres sens, correspond-elle à un ensemble fonctionnel qui dépend à la fois des possibilités de « mesure » (détection) des organes sensoriels, des possibilités d'analyse et d'interprétation du système nerveux (organisation des réseaux nerveux) et des possibilités de réaction des organes moteurs (capacités de mouvement) de l'animal. Chacun de ces trois « possibles » – sensoriel, nerveux et moteur – diffère d'une espèce animale à l'autre et conditionne donc des visions différentes qui s'expriment au travers de comportements spécifiques.
Enfin, il faut considérer que la réaction de l'animal à une perception visuelle modifie cette information sensorielle (déplacement de l'animal par rapport à la source lumineuse...), provoquant ainsi de nouvelles perceptions visuelles qui renseignent l'animal sur les effets de sa réaction. On en arrive ainsi, en tenant compte de la dynamique comportementale de l'animal dans son milieu, à un système bouclé : le cercle fonctionnel constitué par l'animal et son milieu résultant des interactions qui les relient. Par ce système, l'animal établit un rapport au monde qui lui est propre, construit par les capacités de détection de son équipement sensoriel, les capacités d'interprétation de son système nerveux et les capacités de réactions motrices de son corps. Cet ensemble aboutit à la constitution d'un monde subjectif spécifique à chaque espèce et, dans certains cas, à chaque individu. Cette notion de monde subjectif a été proposée, dans les années 1930, par le naturaliste et biologiste allemand Jakob von Uexküll, sous le nom d'Umwelt qu'il définit comme ce que l'animal perçoit dans ce qui l'entoure (fonction de son équipement sensoriel) et la part de son environnement sur lequel il peut agir (fonction[...]
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Écrit par
- Stéphane HERGUETA : muséologue au Muséum national d'histoire naturelle
Classification
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