VIṢṆU ou VISHNU ET VICHNOUISME
On ne peut véritablement séparer le vichnouisme de l'ensemble religieux de l'Inde brahmanique : il n'est qu'un des aspects de l' hindouisme. Les germes en remontent aux temps védiques et, depuis deux millénaires, la forme qu'il revêt n'a pas profondément changé. Parallèle au shivaïsme, en étroite liaison avec lui, il présente la même ancienneté et évolue de façon analogue au cours des siècles. Bien que de nombreux textes proclament Viṣṇu « dieu des brâhmanes », il n'en reçoit pas moins, de même que Śiva, un culte populaire, tantôt comme l'une des divinités majeures de l'hindouisme, tantôt – et c'est alors qu'on peut parler de vichnouisme – comme l'Absolu personnifié auquel se subordonnent tous les autres dieux : plus exactement, ceux-ci ne sont plus considérés dans ce contexte que comme des manifestations secondaires de Viṣṇu, Dieu suprême.
Viṣṇu
Viṣṇu (autres transcriptions non retenues ici : Vishnu, Vichnou), l'une des deux grandes figures du panthéon hindou, est, comme Śiva, une divinité complexe qui a, au cours des siècles, drainé nombre de courants issus de traditions diverses.
Origine et identifications à Nārāyaṇa, le Puruṣa et Bhagavant
L'étymologie du nom de Viṣṇu reste incertaine ; plusieurs ont été proposées, qui toutes relèvent plus d'un désir d'explication en rapport avec le personnage même que d'une démarche philologique assurée. On peut être tenté de voir dans cette difficulté d'interprétation une preuve de l'origine lointaine de cette dénomination, déjà attestée aux temps védiques. Viṣṇu était alors associé à d'autres êtres divins, les Āditya, fils d'Aditi, la « Sans limites » ; les sept Āditya primitifs devinrent huit, puis, à une époque plus récente, douze, et on les assimile alors aux mois de l'année.
L'une des plus vieilles légendes concernant Viṣṇu est celle du nain Vāmana, qui se mue soudain en géant et parcourt en trois pas – deux visibles, le troisième invisible – la triade des mondes. On y a vu la trace d'attaches solaires du dieu : les trois pas (trivikrama) seraient l'image de la marche diurne et nocturne du Soleil ; le nain devenu géant prend lui-même ce nom de Trivikrama.
Il se peut qu'une notion solaire soit ici sous-jacente, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est l'affirmation d'une qualité permanente du dieu : l'omniprésence, la faculté de se propager et de se développer indéfiniment dans l'espace. À la différence de Śiva, dont le rapport au Temps s'affirme à haute époque, Viṣṇu présente dès l'origine un caractère de dieu spatial. Peut-être le fait que, par la suite, les deux divinités ont été souvent perçues comme plus complémentaires qu'antithétiques est-il une conséquence de ces deux positions initiales.
L'expansion illimitée du dieu englobe l'univers entier ; la notion de Totalité avec laquelle il se confond plus tard et qui le fera identifier avec le brahman se révèle déjà sous-jacente dans le Ṛgveda. Omniprésence, Totalité, il est aussi, en conséquence, l'« Omniperméant », celui qui de l'intérieur soutient et régit tout ce qui existe.
Connu en tant que Viṣṇu même dès la plus haute antiquité, le dieu se verra assimiler une autre figure majeure qui apparaît dans les brāhmaṇa, Nārāyaṇa. Semblable en cela à Prajāpati, le Maître des créatures, l'Engendreur (mais la procréation qui en procède est fonction du sacrifice), Nārāyaṇa, dans le Śatapatha Brāhmaṇa, se place au centre du sacrifice. Il en est à la fois la victime, l'exécuteur et le bénéficiaire : de lui-même, il se sacrifie lui-même à lui-même. Une voix incorporelle lui avait enjoint : « sacrifie » ; toutes les divinités auxquelles s'adressait[...]
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Écrit par
- Anne-Marie ESNOUL : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)
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Médias
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