VIṢṆU ou VISHNU ET VICHNOUISME
Le vichnouisme
L'histoire du vichnouisme se développe en fonction de l'évolution qu'a subie la conception même du dieu. Le Ṛgveda ne contient pas d'hymnes à Viṣṇu en tant que tel, mais, dans la mesure où le Puruṣa apparaît comme l'une des composantes majeures de la physionomie ultérieure de celui-ci, on peut considérer que le Puruṣasūkta se relie au vichnouisme. Il s'agit, on l'a vu, de l'hymne X.90, qui donne pour origine à la création du monde le sacrifice du Géant cosmique.
Dans les antiquités vichnouites, la position centrale du Puruṣa par rapport au sacrifice figure parmi les caractères qui continueront d'imprégner la pensée plus tardive. L'une des upaniṣad védiques qui relèvent du Yajurveda noir, et que l'on a de bonnes raisons de tenir pour ancienne, se réfère au dieu sous son nom de Nārāỵana : il s'agit de la Mahānārāyaṇa Upaniṣad, laquelle s'inscrit à la suite des passages du Śatapatha Brāhmaṇa, qui les premiers exaltaient le porteur de ce nom.
Le bhāgavatisme, lié plus directement à l'aspect krishnaïte du dieu, doit être regardé comme une forme ancienne de la religion. À ce moment, Kṛṣṇa n'est pas encore tenu pour un avatāra ; il est le Dieu personnel dans sa totalité, le Bhagavant, ce gracieux Seigneur qui laisse accéder à lui ses fidèles (bhakta) pour participer à son être. Une telle position est attestée au iie siècle avant J.-C. par une inscription de Besnagar, dans le centre de l'Inde : le dédicataire du pilier porteur de l'inscription se déclare bhāgavata, disciple du Bhagavant. L'intérêt de ce texte se double du fait qu'il atteste la fusion, dès cette époque, de Viṣṇu et de Kṛṣṇa, car, si le nom divin mentionné est celui, krishnaïte, de Vāsudeva, la colonne porte un Garuḍā, monture et emblème de Viṣṇu.
Il se peut que la Bhagavad Gītā soit quelque peu antérieure. On a récemment émis en Inde l'hypothèse selon laquelle elle aurait été le noyau central du Mahābhārata (S. Jaisval) ; autour de cet enseignement du krishnaïsme bhāgavata serait venu se grouper un ensemble de légendes et de mythes ordonnés à l'intérieur d'un récit-cadre. Même si cette position n'est ni prouvée réellement ni prouvable, il est certain que le Mahābhārata – la grande épopée indienne dont la composition s'étend sur six ou sept siècles (du iiie s. av. J.-C. au ive s. apr. J.-C.) – est, en dépit de nombreux passages en l'honneur de Śiva, un texte d'obédience vichnouite.
Cette position est encore bien plus marquée en ce qui concerne la deuxième épopée sanskrite, le Rāmāyaṇa, dont la composition s'étale à peu près sur la même durée que celle du Mahābhārata. Son héros, Rāma, se présente simplement, dans les parties les plus anciennes, comme le modèle des princes vertueux, mais les chapitres récents le donnent pour un avatāra de Viṣṇu.
Sous le nom de Sātvata, tribu pastorale à laquelle appartenait la famille de Kṛṣṇa, il ne faut probablement pas chercher une secte différente de celle des bhāgavata. L'appellation met simplement en lumière le côté d'abord régional d'un culte qui, par la suite, se répandra dans l'Inde entière. Il s'agit là de l'arrière-plan religieux devant lequel va s'édifier le vichnouisme tel qu'on le rencontre au début de l'ère chrétienne.
Les deux courants des vaikhānasa et des pāñcarātra
C'est vers cette époque que, dans la tradition vaiṣṇava (vichnouite), commencent à s'affirmer deux grands courants, qui existent encore de nos jours et qui durent différer d'abord sur des questions de rituel. L'un se réclame d'un docteur yajurvédique, Vikhanas, dont les adeptes, les vaikhānasa, entremêlent de pratiques empruntées au védisme d'autres[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Anne-Marie ESNOUL : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)
Classification
Médias
Autres références
-
ADVAITA
- Écrit par Jean FILLIOZAT
- 1 551 mots
... La deuxième des formes majeures de l'advaita est le viśiṣṭādvaita enseigné par Rāmānuja (xiie siècle), populaire chez les adorateurs de Viṣṇu, particulièrement chez les Śrīvaiṣṇava. L'Être suprême sans second n'existe pas seulement à part, isolé du monde illusoire, mais encore il est présent... -
ĀLVĀR
- Écrit par Jean FILLIOZAT
- 1 253 mots
Les Āḻvār (« Plongés » en Dieu) sont des poètes tamouls du sud de l' Inde, révérés comme saints, auteurs de poèmes de dévotion à Viṣṇu, et dont le groupe fait pendant au groupe des dévots de Śiva, les Nayanmār. Les transports de la mystique animent leurs œuvres qui marquent...
-
ANGKOR
- Écrit par Bruno DAGENS , Claude JACQUES et Albert LE BONHEUR
- 4 571 mots
- 12 médias
...sanctuaires. Entre 900 et 1220 furent édifiés à Angkor des temples çivaïtes (les temples-montagnes, qui abritent le lịnga-palladium du royaume), des sanctuaires vichnouites (dont le principal est Angkor Vat), des ensembles bouddhiques (principalement sous le règne de Jayavarman VII). La tolérance réciproque... -
AVATĀRA
- Écrit par Anne-Marie ESNOUL
- 850 mots
Viṣṇu, dieu de la stabilité, mainteneur des êtres et de l'univers, revêt des formes temporelles pour combattre les forces du mal.
Les légendes des avatāra se juxtaposent à d'autres, archaïques, attestées dès les plus anciens textes : certaines sont connues des Brāhmaṇa (xe-...
- Afficher les 39 références