CHEBALINE VISSARION (1902-1963)
Avec Khatchatourian, Kabalevski et Chostakovitch, Vissarion Chebaline appartient à la première génération de compositeurs formés entièrement sous le régime soviétique. Moins connu que ses contemporains, il a cependant joué un rôle de premier plan dans l'histoire musicale de l'U.R.S.S. et s'est affirmé comme un des grands pédagogues russes de la première moitié du xxe siècle.
Vissarion Iakovlevitch Chebaline (Šebalin) naît à Omsk le 11 juin (le 29 mai, ancien style) 1902. Son père, enseignant, lui inculque très tôt le goût de la poésie et encourage ses dons pour la musique. Chebaline commence ses études musicales à l'âge de dix ans. En 1920, il entre à l'École nationale de musique d'Omsk, où il aura comme professeur de théorie Mikhaïl Ivanovitch Nevitov, à qui il dédiera son Premier Quatuor à cordes. En 1923, il est admis dans la classe de composition de Nikolaï Iakovlevitch Miaskovski au Conservatoire de Moscou.
La critique accueille favorablement les compositions de ses années d'apprentissage moscovites, pourtant très novatrices au regard de l'orthodoxie soviétique : des romances, le Premier Quatuor à cordes (opus 2, 1923), un Trio à cordes (opus 4, 1924), trois séries de mélodies (opus 5, sur des poèmes d'Anna Akhmatova, 1925 ; opus 7, sur des poèmes d'Alexandre Blok, 1925 ; opus 9, sur des poèmes de Sergueï Essenine, 1926), une Sonate pour piano (opus 10, 1926) et la Première Symphonie (opus 6), composée en 1925, où se côtoient les influences de Borodine, de Scriabine et de Miaskovski ; cette symphonie lui permet d'obtenir haut la main, en 1928, son diplôme de fin d'études au Conservatoire de Moscou. Chargé de cours à ce conservatoire dès cette année-là, Chebaline y sera nommé professeur titulaire en 1935, et promu directeur en 1942.
L'enseignement et les tâches administratives n'entravent pas son activité de compositeur. Il est du combat idéologique que mènent notamment Miaskovski, Kabalevski ou Mossolov au sein de l'Association pour la musique contemporaine (A.M.C.) créée en 1924, branche russe de la Société internationale pour la musique contemporaine (S.I.M.C.), contre l'Association russe des musiciens prolétariens (A.R.M.P.). Mais l'A.C.M. est dissoute en 1931 ; refusant de céder à la pression de l'A.R.M.P., Chebaline et d'autres musiciens forment un nouveau groupe, qui est immédiatement absorbé, en 1932, par la très officielle Union des compositeurs soviétiques. À l'instar du premier Prokofiev, le langage du premier Chebaline se caractérise par une harmonie âpre, une polyphonie dense et complexe, une rythmique souple et brillante, une pensée formelle solide. Chebaline explore la forme symphonique avec trois nouvelles symphonies (Deuxième Symphonie, opus 11, 1929 ; Troisième Symphonie, opus 17, 1934-1935 ; Quatrième Symphonie, opus 24, dédiée aux « héros de Perekop », 1935), la « symphonie dramatique » Lénine (opus 16, 1931), avec récitant, chœur et quatre solistes vocaux, sur des textes de Vladimir Maïakovski, des ouvertures et des suites pour orchestre – dont se détachent la Deuxième Suite (opus 22, 1935) et l'Ouverture sur des thèmes Mari (opus 25, 1936) –, de superbes Variations sur un chant populaire russe (opus 30, 1940). Ces deux dernières compositions marquent l'influence grandissante du folklore et de la tradition russes sur son style.
Outre ses travaux personnels de composition, Chebaline se consacre à la musicologie et à l'édition critique d'œuvres du patrimoine russe : il exhume et complète en 1937 l'Ouverture-Symphonie sur des thèmes russes entreprise par Glinka en 1834 ; il achève et orchestre l'opéra de Moussorgski La Foire de Sorotchinski, dont il donne une version – créée le 21 décembre 1931 à Leningrad – qui surpasse de loin celles de César[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification