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SÉRAPHEIM VISSARION TIKAS (1913-1998) , patriarche (1974-1998)

Chef de l'Église orthodoxe autocéphale grecque pendant près d'un quart de siècle, Mgr Sérapheim a accompagné la montée de l'intégrisme dans son pays, prenant des positions toujours très nationalistes.

Né sous le nom de Vissarion Tikas le 26 octobre 1913, dans le petit village agricole d'Artesianon en Thessalie, il étudie la théologie à Athènes. Diacre en 1938 sous la dictature du général Métaxas, il est ordonné prêtre en 1942. Suivant les directives de Mgr Damaskinos, primat de Grèce à l'époque, il soutient la résistance contre les armées de l'Axe, rejoignant les maquis de droite de l'E.D.E.S. en Épire.

En 1949, à la fin de la guerre civile, il est nommé métropolite d'Arta, en Épire. En 1958, il est transféré à Ioanina, préfecture de la région. En 1967, le colonel Papadopoulos, chef de la junte militaire, soutient l'intronisation de l'archevêque Hiéronymos. Sérapheim devra attendre. En décembre 1973, la junte des colonels est renversée par les généraux Ghizikis et Ioannidès. Le nouveau régime prête serment non devant Hiéronymos, mais devant Sérapheim qu'on envoie chercher en voiture blindée à Ioanina.

Le 12 janvier 1974, il est nommé archevêque d'Athènes, et donc primat de Grèce, grâce au soutien des généraux. Il démet alors autoritairement les évêques « Hiéronymistes » et tarde à condamner la junte après la chute de cette dernière en juillet 1974. À tel point que, vingt ans plus tard, le député démocrate-chrétien Nikos Psaroudakis s'étonnera que Mgr Sérapheim n'ait pas été emprisonné en août 1974.

Sous la direction de Sérapheim, l'Église grecque va s'enfermer dans un nationalisme étroit. En 1975, il rompt toute relation avec le pape Paul VI, car ce dernier a nommé en Grèce un métropolite uniate (orthodoxe reconnaissant la primauté du Saint-Siège). Pour le primat de Grèce et les principaux dirigeants des Églises orthodoxes, l'uniatisme est la « cinquième colonne » du Vatican en Europe orientale. Ce sentiment va se développer avec le pontificat du Polonais Jean-Paul II et avec la chute du communisme.

Sous la pression des intégristes paléo- et néo-calendaristes (adeptes du calendrier Julien ou Grégorien), Mgr Sérapheim s'oppose en 1979, sans succès, à l'ouverture des relations diplomatiques entre la Grèce et le Vatican. Avec l'explosion de la Yougoslavie, la phobie anti-œcuménique et le nationalisme outrancier de Sérapheim vont encore s'accentuer. En 1992-1993, il soutient officiellement les autorités serbes, reçoit le leader des extrémistes serbes de Bosnie, Radovan Karadzić, et dénonce le « complot » du Vatican, de Bonn et de Zagreb. Il est alors un des propagandistes de l'axe orthodoxe contre la « transversale verte ». Cette dernière serait l'expression d'une sorte de néo-irrédentisme ottoman s'appuyant sur les minorités turques et musulmanes dans les Balkans : Thrace grecque et bulgare ; république de Macédoine ; Albanie ; Kosovo, Sandjak serbe ; Bosnie. Ses paroisses recrutent alors des mercenaires grecs pour les milices serbo-bosniaques. L'évêque de la petite ville frontalière de Konitsa appelle à la libération par la force des Grecs du sud de l'Albanie. Mais la solidarité orthodoxe a ses limites. En effet, pour Mgr Sérapheim, le couple orthodoxe et hellène est indissociablement lié. Il appelle donc ses ouailles à de gigantesques manifestations contre la petite république de Macédoine, nouvellement indépendante. D'autant que l'Église de ce pays n'est autocéphale que depuis juillet 1967, date de sa séparation de l'Église serbe.

Enfin, en avril 1993, Mgr Sérapheim se bat contre une décision de la Communauté européenne rendant facultative la mention de la religion sur les cartes d'identité. Le parlement grec le suivra, rejetant[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire du xxe siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée

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