- 1. Notion d’activité cérébrale
- 2. Visualiser l’activité électrique des neurones
- 3. L’imagerie cérébrale par électroencéphalographie
- 4. L’imagerie cérébrale fonctionnelle par radioéléments
- 5. Imagerie par magnétométrie
- 6. Imagerie par résonance magnétique nucléaire
- 7. L’imagerie multiple par combinaison des techniques
- 8. Définition des activités cérébrales à échelle locale
- 9. Convergence et divergence des données d’imagerie cérébrale
- 10. Difficulté de la projection sur l’homme de résultats obtenus sur des modèles animaux
- 11. Construction théorique à partir des données d’imagerie
- 12. Nécessité des modèles animaux
- 13. L’imagerie pour la clinique neurologique
- 14. L’imagerie, l’éthologie et la psychothérapie
- 15. Bibliographie
VISUALISATION DE L'ACTIVITÉ DU CERVEAU
Construction théorique à partir des données d’imagerie
Actuellement, les données d’imagerie cérébrale sont utilisées en conjonction avec d’autres données, issues d’études de patients lésés, d’études électrophysiologiques chez l’animal (ou chez des patients ayant subi un acte chirurgical pour éliminer un foyer épileptique) et en lien avec les connaissances anatomiques modernes de traçage des voies neuronales. Toutes ces données sont regroupées pour contraindre de manière globale les théories actuelles des grandes fonctions comme l’attention, la récompense, la reconnaissance des visages ou encore la perception du mouvement, avec un mélange de spéculation neurologique et de spéculation psychologique, même si la base théorique de ces modèles est presque toujours issue initialement des analyses fonctionnelles fines de patients lésés, accidentellement ou à la suite d'interventions chirurgicales.
On se demande, par exemple, si une fonction cognitive est réalisée selon un système hiérarchique ou modulaire, distribué ou localisé, avec des traitements parallèles ou séquentiels, et des systèmes de contrôle de haut niveau ou réalisés à différentes étapes. Et l’on confronte ces propriétés aux séquences d’activation des régions cérébrales actives en imagerie lors d’une certaine tâche cognitive. Les recherches actuelles d’imagerie IRMf font voler en éclats les dichotomies précédentes, en montrant par exemple que la reconnaissance des visages repose sur un système modulaire et distribué, avec des traitements en parallèle qui sont également hiérarchiques. Les dynamiques séquentielles spatio-temporelles des activités du cerveau redessinent ainsi les modèles fonctionnels imaginés d’abord de manière spéculative et implémentés par la neurophysiologie, d’une manière contrainte par les données de l’imagerie cérébrale, même si, le plus souvent, il n’y a pas de correspondance stricte entre les entités fonctionnelles des modèles cognitifs et les entités anatomofonctionnelles de la neurophysiologie et de la neuro-imagerie.
La théorisation des fonctions cérébrales relève donc d’entreprises spéculatives qui se fondent à la fois sur des données neurologiques et psychologiques associées à des données physiologiques. Ainsi, actuellement, les théories des fonctions cérébrales sont le plus souvent mixtes ; elles présentent à la fois des éléments issus de la théorisation fonctionnelle et clinique (psychologique et cognitive) et d’autres issus de la physiologie des circuits de neurones (comme pour l’analyse des neurones du cortex visuel).
Pour cette raison, les théories qui découlent des analyses de données hétérogènes, les méta-analyses associant celles de techniques différentes, sont souvent interthéoriques, c’est-à-dire qu’on tente de les situer à un niveau théorique intermédiaire entre celui de la psychologie et celui de la physiologie neuronale. Toutefois, ce faisant, il est possible de les critiquer sur un plan épistémologique, tant elles commettent parfois des erreurs de catégorie en mettant sur un même plan des éléments de modèles cognitifs et des éléments de modèles neuronaux incommensurables, en renonçant à une séparation stricte que Paul Ricœur décrivait comme un nécessaire « dualisme sémantique » admis pourtant par nombre de neuroscientifiques.
En effet, il n’est en réalité pas possible de faire correspondre strictement ces deux modes de connaissance, ni le plus souvent de connaître la véritable implémentation neuronale des modèles cognitifs, c’est-à-dire un modèle neuronal sous-jacent explicatif en termes de mécanismes impliquant des réseaux de neurones identifiés chez l’homme. Pour cette raison, certains philosophes et psychologues théoriciens ont par le passé plaidé pour demeurer dans un cadre théorique homogène, sans implémentation qui soit trop artificiellement physiologique, et[...]
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Écrit par
- Jean-Gaël BARBARA : neuroscientifique, directeur de recherche CNRS
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