VITA NOVA, Dante Alighieri Fiche de lecture
Les datations proposées par la critique situent la rédaction de la Vita nova, premier récit autobiographique en langue vulgaire de la littérature occidentale, entre 1290 (mort de Béatrice Portinari) et 1295. Le livre se présente comme une anthologie de trente et une poésies reliées et motivées par un récit en prose, et assorties de brèves « divisions » résumant le plan et les motifs de chaque texte. Cette forme mixte (le prosimetrum) a pu être inspirée à Dante (1265-1321) par la Consolatio philosophiae de Boèce (vie siècle), et surtout par les vidas et razos qui accompagnaient les textes des troubadours dans les compilations de poésie occitane : ici c'est l'auteur qui se charge de cette tâche. Le projet aurait été encouragé par le « premier ami » de Dante, Guido Cavalcanti, dédicataire implicite du livre. Dans la Vita nova coexistent en fait plusieurs genres : roman, « chansonnier », traité sur l'amour et sur la poésie lyrique (comme dans le chapitre xxv), composant le bilan d'une expérience de l'amour – où se construit le mythe de Béatrice – et d'une expérience d'écriture qui engagent totalement le sujet comme poète, narrateur et protagoniste.
La voie d'amour
Le petit livre (libello) de la « Vie nouvelle », précise Dante, est un extrait du « livre de la mémoire » où sont inscrits tous les événements de sa vie ; il s'ouvre par une rubrique intitulée Incipit Vita nova. Cette image exclut toute libre remémoration. Cependant le copiste, devenant glossateur, se permet d'abréger le texte, d'y introduire des digressions, voire de le censurer : ainsi la mort de Béatrice – inscrite dès sa première apparition (la « glorieuse dame de ma pensée » renvoie à la gloire céleste des bienheureux) et annoncée par une succession de prémonitions, factuelles ou oniriques – ne sera pas décrite.
La Vita nova raconte une initiation : la découverte progressive de la nature divine de la Dame amène l'amant-poète à dépasser les rites de l'amour courtois (toujours en attente de signes, même minimaux, de réciprocité) et lui permet d'accéder à un sentiment où la charité chrétienne (caritas) sublime l'amitié désintéressée que Cicéron exaltait dans son Laelius. Dès lors la nature de la poésie, « clef de l'interprétation des choses » (D. De Robertis) change radicalement. Scandée par les apparitions de Béatrice, par les rêves, visions et « imaginations » de caractère prophétique où figurent Amour et Béatrice, et régie par le chiffre 9 (dont la signification ontologique est dévoilée au chapitre xxix), cette histoire s'organise en trois « matières » successives.
Dans un premier moment l'amour de Dante, tenu secret, se dissimule derrière des « dames écrans », destinataires tout apparentes (dit Dante) de certaines poésies. Mais ces simulacres font jaser, et Béatrice retire à Dante « son très doux salut, en lequel résidait toute [sa] béatitude ». Suit une période de tourments, marqué par des textes d'inspiration cavalcantienne. Dans la deuxième partie, la comédie courtoise n'a plus lieu d'être (le secret est éventé) mais la relation amoureuse, et avec elle la poésie, est bloquée. Au cours d'un entretien avec un groupe de jeunes femmes (« de même que nous voyons parfois tomber l'eau mêlée de belle neige, de même me semblait-il entendre leurs paroles sortir mêlées de soupirs »), Dante découvre que sa « béatitude » réside désormais « en ces paroles qui louent [sa] dame » et écrit la chansonDames qui avez l'intelligence d'amour, manifeste d'un style nouveau, que Dante citera plus tard au chant XXIV de son Purgatoire.
La troisième période, au chapitre xxviii, s'ouvre sur la mort de Béatrice, occasion de nombreux textes de deuil. Mais la rencontre d'une dame compatissante,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claudette PERRUS : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
DANTE ALIGHIERI (1265-1321)
- Écrit par Paul RENUCCI
- 5 410 mots
- 2 médias
Issu d'une famille noble mais sans fortune, orphelin de mère à treize ans, orphelin de père dans les cinq années qui suivirent, sa première jeunesse ne peut être entrevue qu'à travers de très rares documents d'archives et la narration romancée de la Vita nova. Il y a tout lieu... -
DOLCE STIL NOVO
- Écrit par Paul RENUCCI
- 1 426 mots
-
MOYEN ÂGE - La littérature en prose
- Écrit par Nicola MORATO
- 6 740 mots
- 3 médias
...contexte en prose semble aussi encourager la disposition verticale : c’est ce qui arrive dans les copies des prosimètres latins, puis dans celles de la Vita Nova et du Conviviode Dante, mais souvent aussi dans les témoins des textes en prose qui comprennent des textes en vers, comme Aucassin et Nicolette...