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BRANCATI VITALIANO (1907-1954)

Né dans un petit village situé à la pointe sud de la Sicile, Brancati finit ses études à Catane. Le souvenir de cette vie de province dans une société méridionale immobile et castratrice sera le thème central des récits de ce Sicilien qui, lui, eut le courage de partir pour Rome. Après un bref élan sentimental pour l'idéologie fasciste, il devient un des intellectuels les plus acharnés dans la critique systématique du régime. Tous ses romans sont imprégnés de cette atmosphère sous-jacente d'oppression, et Brancati choisit de mettre en scène la petite et la moyenne bourgeoisie méridionale comme modèles où se retrouvent justement les racines du comportement fasciste. Don Juan en Sicile (Don Giovanni in Sicilia, 1942) est un portrait incisif, d'un humorisme extrêmement lucide, du « mâle sicilien », Giovanni Percolla, qui, après une jeunesse d'ennui vécue dans les bars de Catane à parler des échecs et du Nord lointain, épouse une femme qui réussit à l'entraîner à Milan. Il passe alors de l'apathie sicilienne à l'efficienza milanaise, mais un retour dans sa région natale lui redonne en quelques jours le goût de la sieste, du bavardage et des pleutreries du mâle sicilien. Brancati élargit son analyse à la bourgeoisie italienne en général, et sa critique de la politique fasciste devient encore plus directe avec Le Vieillard aux bottes (Il Vecchio con gli stivali, 1945) : un petit employé réussit une modeste carrière grâce aux « combines » que tolère le régime ; à la Libération, il est victime de l'épuration après avoir été dénoncé par ses anciens supérieurs qui effacent habilement toutes les traces de leurs anciennes escroqueries. Dans Le Bel Antonio (Il Bell'Antonio, 1949), c'est toujours la bourgeoisie de Catane qui est présentée avec ses mythes de puissance, de possession et de conquête : les mécanismes psychologiques du fascisme sont ici démontés et leur essence dérisoire est mise au jour grâce au personnage d'Antonio, jeune homme très beau et impuissant dont l'échec total, comme celui du régime, ne peut aboutir qu'à une image socialement et esthétiquement morbide. Dans Les Ardeurs de Paolo (Paolo il caldo, 1955), le thème de l'auto-destruction à travers le sexe marque le scepticisme radical de Brancati à l'égard d'une société capitaliste qui ne laisse aucune chance, sinon celle de l'obsession érotique sous son aspect macabre et tragique. Son pamphlet, Ritorno alla censura (1952), était déjà une violente attaque contre l'Italie démocrate-chrétienne en laquelle il n'a jamais cru. Brancati a su affronter les problèmes méridionaux en évitant l'écueil du populisme régional ; son style enrichit la langue italienne par des tournures, des constructions et des méridionalismes très élaborés.

— Giovanni IOPPOLO

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Écrit par

  • : professeur habilité à diriger des recherches en art moderne et contemporain

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