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VITALISME

Jan Baptist van Helmont - crédits : Wellcome Collection ; CC-BY

Jan Baptist van Helmont

Les différentes représentations intellectuelles du vivant reflètent les schèmes conceptuels propres à chaque époque. Celles qui ont été élaborées par Aristote puis par Galien (iie siècle apr. J.-C.) se sont maintenues jusqu'à l'avènement de la science « moderne ». La caractérisation aristotélicienne du vivant – en tant qu'il diffère de l'inanimé par un principe d'animation interne et autonome – a été peu à peu supplantée par les hypothèses de Van Helmont (1579-1644), pour qui le corps vivant est composé d'archées – terme emprunté à l'archeus de Paracelse (1493-1541) –, forces directrices et organisatrices d'un monde physico-chimique : l'ensemble de la matière est vivant et engendre des êtres minéraux, végétaux, animaux.

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon

Alors que, dans ces théories, toute la nature est quasi vivante, la nature cartésienne sera, quant à elle, désanimée. Tout vivant est un automate mécanique mû par une « chaleur » interne : la notion d'« animal-machine » de Descartes inaugurera ainsi l'ère de la biologie mécaniste et déterministe qui perdurera jusqu'à nos jours : « ...il semble conforme à la raison que la nature produise aussi ses automates [...] à savoir toutes les bêtes » ; « lorsqu'une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu'il est à un arbre de produire des fruits ». Pour Descartes (1596-1650), matière et pensée sont deux mondes qui se complètent (dualisme), mais qui ne s'expriment pas dans le même registre.

Pour Leibniz (1646-1716), la physiologie de Descartes est criticable car la matière possède une activité propre. Il propose un « mécanisme à l'infini », introduisant ainsi une dimension dynamique. Claude Perrault (1613-1688) et Georg Ernst Stahl (1660-1734) considéreront toute la nature, tous les corps comme vivants et intentionnels. Il y a une forme de panspermie dans la théorie de la génération de Perrault, pour qui l'expansion de microstructures séminales est activée par un principe animique. Quant à l'animisme, terme qui désigne la doctrine de Stahl en physiologie, il soutient qu'une seule et même âme est à la fois principe de la pensée et principe de la vie organique. L'âme anthropomorphique, force naturelle vitale, est présente chez tous les êtres de la nature : ce principe immatériel est le déterminant de toutes les opérations du vivant, y compris de celles qui ont trait à la génération.

La naissance du vitalisme

Le vitalisme s'est donc affirmé contre le mécanisme cartésien qui était fondé sur le principe d'inertie (inertie de la matière). Or l'inertie (du latin iners, inertis : inhabile à, sans capacité, sans énergie, inactif) est exactement le contraire du vivant.

Au xviiie siècle, Paul Joseph Barthez (1734-1806) attribue les phénomènes de la vie à un « principe vital », distinct des forces physico-chimiques et de l'âme pensante. Médecin de l'École de Montpellier, il se réclame explicitement de la tradition hippocratique : « J'appelle principe vital de l'homme la cause qui produit tous les phénomènes de la vie dans le corps humain. Le nom de cette cause est assez indifférent et peut être pris à volonté. Si je préfère celui de principe vital, c'est qu'il présente une idée moins limitée que le nom d'impetum faciens (to énormôn) que lui donnait Hippocrate, ou autres noms par lesquels on a désigné la cause des fonctions de la vie. » On retiendra également le nom de Théophile de Bordeu (1722-1776), théoricien de l'École de Montpellier, à qui Diderot (1713-1784) fait tenir le rôle du médecin dans Le Rêve de d'Alembert : « Voyez-vous cet œuf ? c'est avec cela qu'on renverse toutes les écoles de théologie, et tous les temples de la terre... »[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, Institut Jacques-Monod

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Jan Baptist van Helmont - crédits : Wellcome Collection ; CC-BY

Jan Baptist van Helmont

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

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