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VITALISME

Les pouvoirs du gène

Au début du xxe siècle, la biologie est bouleversée par l'émergence de la génétique.

En 1903, trois ans après que l'œuvre de Mendel fut sortie de l'oubli, William Sutton, aux États-Unis, postula que les gènes sont situés sur les chromosomes, et Thomas Hunt Morgan apporta, en 1910, les preuves expérimentales de cette hypothèse. La théorie chromosomique de l'hérédité prit alors naissance, remplaçant les notions abstraites de facteurs héréditaires et donnant un support matériel aux gènes. On connaît désormais la structure capable de se répliquer et de déterminer le développement d'un organisme semblable à celui de ses parents. L'idée se répand alors selon laquelle les fonctions génétiques de réplication et de mutation sont les caractéristiques fondamentales de la vie, bien avant toutes les autres fonctions vitales.

Deux conceptions différentes des origines du vivant apparaissent dans les années 1910, l'une se fondant sur la primauté du cytoplasme, l'autre sur la primauté des gènes. Pour Hermann Muller, la vie a dû prendre naissance à partir d'une molécule spécifique, une « molécule vivante », plutôt qu'à partir de systèmes moléculaires bien coordonnés, tels que ceux qui sont proposés dans la théorie métabolique d'Alexander Oparin. L'approche de Muller aura une grande influence sur les généticiens et plus tard sur les biologistes moléculaires.

Dans les organismes existant actuellement, l'information contenue dans les acides nucléiques est nécessaire à la synthèse des protéines, qui sont elles-mêmes nécessaires à la réplication de l'ADN. Savoir qui est apparu en premier, l'ADN ou les protéines, est alors une question cruciale, vivement débattue à Moscou lors du Ier Symposium international sur les origines de la vie qui s'est tenu en août 1957. Le débat porte en fait sur le statut des acides nucléiques comme « molécules vivantes » dont les partisans sont pour la plupart des généticiens, des virologistes et des biologistes moléculaires. Les biochimistes, quant à eux, privilégient le concept d'un système polymoléculaire.

Il est possible d'obtenir aujourd'hui dans les laboratoires de recherche, à l'aide de méthodes quasi automatiques, des molécules sélectionnées pour accomplir telle ou telle fonction autocatalytique, autoréplicative, autoreproductrice. Ces molécules sont des machines moléculaires, des petits moteurs chimiques capables d'agir en automates mimant les propriétés du vivant. La construction d'un tel mécanisme suppose toujours, néanmoins, la préexistence ou l'assistance d'un original vivant. Or les premières molécules, celles qui permirent à l'origine l'exercice des fonctions du vivant, n'ont toujours pas été obtenues.

Les analogies avec les machines sont d'ailleurs largement utilisées sous forme de métaphores en biologie moléculaire pour expliquer la nature des processus cellulaires. L'« appareil » de réplication de l'ADN, le « pore » nucléaire, la « machinerie » du ribosome possèdent des substructures, des parties mobiles et des assemblages intégrés tout comme une machine conventionnelle. Mais une cellule n'est pas une mécanique que l'on peut démonter puis reconstruire à sa guise. Après avoir très soigneusement séparé tous les éléments d'une cellule vivante, il est impossible de reconstituer la cellule de départ, même à l'aide des technologies les plus avancées. Ce résultat, évident pour la plupart des chercheurs, ne l'est pourtant pas a priori. Il met en évidence l'existence de différents niveaux de structures fonctionnelles et d'une dynamique moléculaire dans l'organisation biologique. Si les constituants chimiques, les atomes de la matière vivante sont identiques à ceux de la matière inanimée, l'unité des organismes vivants provient alors de l'organisation de ses[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, Institut Jacques-Monod

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Médias

Jan Baptist van Helmont - crédits : Wellcome Collection ; CC-BY

Jan Baptist van Helmont

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Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon

Claude Bernard - crédits : Apic/ Getty Images

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