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CSOKONAI VITÉZ MIHÁLY (1773-1805)

« Un beau raisin doré dans une friandise... »

La part la plus importante de l'œuvre de Csokonai – le cycle de Lilla (1797-1799) et les Chansons anacréontiques en premier lieu – appartient au domaine du rococo. Tout y est douceur, charme et gentillesse idyllique : dans les bocages où une brise parfumée fait tressaillir imperceptiblement le feuillage du laurier, la flûte de joie répond au roucoulement des pigeons ; sur le frais tapis du pré glisse le carrosse de lys et de narcisses du Printemps ; dans l'air dansent des papillons de rêve et de diligentes abeilles ; et le poète, après avoir épié, à travers les roseaux, sa mie se baignant dans le ruisseau et entrevu la tache de rousseur à son sein, ce « beau raisin doré dans une friandise », ou le « bouton de rose » voisin qui « nage sur la crème fouettée », se met à lui marchander, sous la charmille, un baiser d'ambroisie presque chaste, et fait retentir sa lyre au son argentin et perlé...

Pourtant, ce pays idéal, qui présente parfois des traits délicieusement persans, prendra, au fur et à mesure, des couleurs moins dorées et moins roses. Dans l'un de ses « arts poétiques », La Nature de ma poésie, Csokonai a beau rejeter violemment l'inspiration nocturne et funéraire de Hervey et de Young, l'influence du préromantisme et du sentimentalisme – celui de Bürger, de Gessner ou de Jean-Jacques – se fera sentir de plus en plus : le promeneur solitaire, à qui l'Arcadie terrestre se trouve définitivement refusée, ira se répandre en plaintes adressées à l'écho, aux forêts humides, aux vallées éclairées par la lune. Les idées du siècle – l'idéologie des Lumières et le nationalisme qui servira, en quelque sorte, de refuge après l'échec de la première – y introduisent aussi leurs thèmes et leur tonalité : le lecteur déiste de Bayle, de Voltaire, mais qui fait surtout siennes les pensées du vicaire savoyard, invoque d'abord la Raison et la Lumière contre la chauve-souris et le hibou, superstition et bigoterie ; il se change ensuite, dans une période « antifrançaise », en un barde patriotique, chantre de la paix sociale retrouvée, des valeurs traditionnelles et nobiliaires, qui se prépare, dans un esprit mi-rococo mi-ossianique, à écrire son Arpadiade à la gloire du héros des anciens Magyars, Árpád.

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