NEZVAL VÍTĚZSLAV (1900-1958)
Avantages et difficultés de l'officialisation
Après la libération de son pays, Nezval devient un des auteurs préférés du nouveau régime. Toujours persuadé de la validité du stalinisme, il réussit un tour de force assez extraordinaire : tout en glorifiant le régime, il vit une aventure spirituelle incompréhensible pour les générations qui n'ont pas vécu la mystification stalinienne à son apogée et telle qu'elle se présentait en Tchécoslovaquie. Car Nezval, tout en s'insurgeant contre les dogmes du jdanovisme et de son réalisme socialiste, était persuadé que la direction de son parti œuvrait pour la libéralisation des esprits et de l'art et entrouvrait à son pays la voie de sa véritable authenticité. Il lui arriva même de composer une ode sur Staline en prêtant au dictateur toutes les vertus qui lui manquaient. Mais l'erreur de Nezval, extrémiste dans ses passions comme à l'accoutumée, était d'attribuer toutes les horreurs de l'époque à la force maléfique des adversaires du dirigeant du Parti communiste de l'Union soviétique qu'il identifiait au socialisme. Le rôle du poète devint paradoxal. D'un côté il défendait avec acharnement le droit à la création artistique contre les jdanoviens locaux et de l'autre il servait un système qui par sa logique tendait à détruire cette création. Ce n'est qu'au déclin de sa vie que Nezval se rendit compte du rôle qu'on lui faisait tenir et de l'exploitation de son talent, qu'il acceptait avec une naïveté partagée d'ailleurs par nombre de ses amis. Malheureusement, il mourut trop tôt pour dissiper les doutes qui pesaient dans l'esprit des jeunes de son pays sur une œuvre poétique dont la puissance fut rarement égalée. Le critique conservateur Arne Novák, comme d'ailleurs, dans une certaine mesure, Šalda lui-même, tout en louant la hardiesse du poète à briser les vieilles formules et à se livrer avec délice au débordement de son imagination, lui firent remarquer qu'il fallait contrôler ses sens, mûrir ses idées. Šalda critique, avec un certain dédain, le flot amorphe des premiers textes « automatiques » de la période surréaliste. Au lieu de se libérer, le poète lui semble s'enliser, succomber à une curieuse paresse, ne ramener de son subconscient, d'où l'œuvre devrait seulement émerger après labeur, qu'une matière brute. Si Nezval, novice des idées reçues, voue toute métaphysique à la damnation, cela ne lui vaut même pas l'assentiment inconditionnel des théoriciens du réalisme socialiste devenu très tôt, en Bohême aussi, le tombeau de la littérature révolutionnaire.
B. Václavek, critique proche de la direction de Gottwald, trouve en 1935 que la contradiction essentielle de Nezval est due à l'« idéalisme noétique » du poète. Même après la guerre, dans la République populaire, Nezval n'échappe à la critique dogmatique que grâce aux faveurs dont il jouit auprès d'importantes personnalités politiques. Il était curieux de voir le poète officiel en butte aux attaques hargneuses de certains jeunes propagandistes d'une inepte « poésie prolétarienne ». De toute façon, il est bien regrettable que Nezval n'ait pu terminer le livre de ses souvenirs De ma vie. D'autant plus que ses éditeurs praguois affirment que les derniers feuillets de cet ouvrage semblent irrémédiablement perdus.
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Écrit par
- Ivo FLEISCHMANN : chargé de recherche au C.N.R.S.
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TCHÈQUE RÉPUBLIQUE
- Écrit par Jaroslav BLAHA , Marie-Elizabeth DUCREUX , Encyclopædia Universalis , Marie-Claude MAUREL et Vladimir PESKA
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...vivre dans le monde moderne, et, en même temps, libère le langage. Inspirés surtout d'Apollinaire, ses chefs de file sont Jaroslav Seifert (1901-1986) et Vítězslav Nezval (1900-1958). Seifert trouve cependant, dès avant 1930, sa voie personnelle dans l'expression sensible des émotions, des joies et drames...