ACCONCI VITO (1940-2017)
Artiste protéiforme, Vito Acconci s'est d'abord consacré à la « poésie concrète », à la photographie et aux performances pour se tourner ensuite vers la vidéo. Chez lui, cette dernière est essentiellement constituée par la mise en scène du corps, tant dans le rapport au langage que dans le rapport aux gestes. Il s'agit le plus souvent de performances – filmées pour la plupart – au cours desquelles une action est directement induite et dirigée par les paroles prononcées par l'artiste lui-même, décrivant des mouvements de son propre corps, son état physique et ses pensées, ou bien encore prescrivant au corps d'un ou d'une partenaire des déplacements, des attitudes, que cette personne doit suivre.
Le corps comme objet d'expérimentation
La prépondérance du discours et le pouvoir de celui-ci sur les corps qui est au cœur du travail d'Acconci, et qui traite de certaines anomalies ou troubles humains à travers la sexualité, les relations intersubjectives ou, au contraire, le renfermement d'une personne, est l'une des clés pour comprendre certains développements de l'art américain des années 1970, qui s'intéressait au corps intime, mais aussi au corps social dans son ensemble. L'œuvre d'Acconci pourrait être qualifiée de « typiquement américaine » — même ancrée dans des préoccupations et des mouvements qui ont fait date (tel le body art) et que l'on retrouve en Europe — dans la mesure où la problématique des rapports entre le privé et le public est plus sensible dans la société états-unienne.
Né le 24 janvier 1940 dans le Bronx (New York), Vito Acconci, qui réalisa ses premiers films et bandes vidéo dès 1969 (date de sa première exposition), faisait partie de cette jeunesse qui voulait transformer radicalement la société. Aussi les performances d'Acconci et ses installations vidéo tentent-elles de rendre compte d'un radicalisme politique par des actions « choquantes » (masturbation) ou humoristiques (se brûler les poils du torse pour essayer de se faire une poitrine de femme), mettant en lumière la dialectique entre le particulier et le général par le corps singulier et intime de l'artiste, qui devient alors symbole du corps d'autres personnes.
Durant les années 1970, les vidéos d'Acconci sont plutôt la présentation d'états pathologiques engendrés par le système américain prônant l'individualisme à outrance — comme le suggèrent certaines scènes « autistiques » où il essaie de nous montrer par des mimiques ou avec des mots l'angoisse, la peur, le bien-être, la folie — ou bien elles nous révèlent ses fantasmes sexuels, ses secrets biographiques, renversant ainsi, lorsque l'intime passe dans le domaine public, les tabous attachés à l'individu. De participant le spectateur devient aussi voyeur. À cet effet, Acconci utilise plusieurs stratégies de manipulation et de domination, usant et abusant de la confiance et de la trahison vis-à-vis de ses partenaires ou des spectateurs. Il s'agit tantôt d'une automanipulation au cours de laquelle Acconci semble s'hypnotiser par ses propres mots ou ses actions, tantôt de la manipulation d'autrui ; mais ces formes de perversion sont toujours critiques.
Le caractère obsessionnel du corps et de la parole privés qui conduisent à une circularité aliénante et répressive, et à la simple contemplation de l'image de soi à travers celle des autres, est très explicite dans une vidéo de 1971 intitulée Remote Control. Dans cette œuvre deux personnages (Acconci et une partenaire) assis dans des boîtes en bois, isolés chacun dans une pièce, reçoivent par un moniteur l'image de l'autre, captée par une caméra fixée sur eux dans chaque pièce ; d'une voix insidieuse, terrible et ininterrompue, Acconci commande à cette partenaire des gestes étranges :[...]
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Écrit par
- Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
Classification
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