DE SICA VITTORIO (1901-1974)
Entre néoréalisme et romanesque hollywoodien
Depuis longtemps critiqué pour ses engagements humanistes – les communistes lui reprochent de ne jamais faire allusion à la lutte des classes –, De Sica est surtout en but à l'hostilité de la démocratie chrétienne. Dans le journal Libertas, Giulio Andreotti, secrétaire d'État au tourisme et au spectacle, publie son article fameux, « Assez de linge sale », qui reproche à De Sica de nuire à l'image de l'Italie. De plus en plus étranglé économiquement et sans soutien politique, De Sica connaît dans les années 1950 de grandes difficultés à poursuivre dans la veine qu'il affectionne. Stazione Termini (Station Terminus, 1953) est un curieux hybride entre l'héritage néoréaliste et le romanesque hollywoodien tandis que L'Oro di Napoli (L'Or de Naples, 1954) marque un retour à la comédie. Le cinéaste y porte pour la première fois à l'écran la ville de son enfance en faisant appel à des acteurs parthénopéens : Totò, Sophia Loren, Eduardo De Filippo, et De Sica lui-même, en aristocrate rongé par l'attrait du jeu – presque un autoportrait –, perdant aux cartes contre le jeune fils de son concierge.
De Sica essaye ensuite de revenir, avec Il tetto (Le Toit, 1956), aux récits épurés du néoréalisme. Mais les temps ont changé et la critique boude le film jugé trop démonstratif. Avec La Ciociara (1960), d'après un roman d'Alberto Moravia, il signe un de ses plus grands succès. Il enchaîne avec Il giudizio universale (Le Jugement dernier, 1961), un kaléidoscope de personnages napolitains confrontés à l'annonce du jugement dernier. Pour le compte du producteur Carlo Ponti, De Sica se met souvent au service de Sophia Loren. Il dirige la comédienne dans Boccace 70 (1962), I sequestrati di Altona (Les Séquestrés d'Altona, 1962), d'après la pièce de Jean-Paul Sartre, Ieri, oggi, domani (Hier, aujourd'hui, demain, 1963), trois sketches destinés à mettre en valeur le couple Loren-Mastroianni, Matrimonio all'italiana (Mariage à l'italienne, 1964), I girasoli (Les Fleurs du soleil, 1970), Il viaggio (Le Voyage, 1974). De Sica réalise aussi quelques films décevants et ne retrouve toutes ses qualités qu'avec Il boom (1963), satire féroce de la société de consommation, Il giardino dei Finzi Contini (Le Jardin des Finzi Contini, 1970), d'après le roman de Giorgio Bassani, évocation tragique d'une famille de la bourgeoisie juive de Ferrare, en butte aux lois raciales, ou encore Una breve vacanza (1973).
De Sica s'éteint en France en 1974. La presse ne retient de lui que les films de l'époque néoréaliste : dans Le Monde, Jean de Baroncelli parle à leur propos de « compassion franciscaine ».
Parallèlement à son métier de cinéaste, De Sica n'a jamais interrompu sa carrière de comédien. Il était lui-même un exceptionnel directeur d'acteurs, aussi à l'aise avec les non-professionnels qu'avec les stars. Ainsi, dans une filmographie abondante, parfois justifiée par les nécessités économiques, le comédien a réussi à préserver une image d'une grande humanité, créant des figures inoubliables dans des films de Marcello Pagliero, Alessandro Blasetti, Gianni Franciolini, Dino Risi, Luigi Comencini, Mario Monicelli, et surtout Max Ophuls (Madame de..., 1953) ou Roberto Rossellini (Le Général Della Rovere, 1959).
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Écrit par
- Jean A. GILI : professeur émérite, université professeur émérite, université Paris I-Panthéon Sorbonne
Classification
Média
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