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DEL LITTO VITTORIO (1911-2004)

Vittorio Del Litto aura marqué un moment capital du « stendhalisme », qu'il aura incarné sous tous ses aspects par ses écrits qui vont de 1935 à 1997, et par l'exercice de ce qu'il faut bien appeler au meilleur sens du mot, un pontificat : il y avait son Stendhal-Club, paru de 1958 à 1995, son rôle d'animateur œcuménique (colloques, publications, thèses dirigées, etc.). Exemple peut-être inintelligible désormais du grand universitaire, il n'était pas un homme d'institution ou de clan, mais de travail, et même d'action, qui s'est consacré à la défense presque patrimoniale de Stendhal.

Né à Ancône, établi à Grenoble à partir de 1934, Vittorio Del Litto a vécu en effet pour et par Stendhal, l'écrivain qu'il présentait et même représentait. Ses premières armes, c'est le travail de sa thèse, qui l'a conduit d'emblée à recourir aux manuscrits de Grenoble, ville natale de l'écrivain, à fonder toute connaissance de celui-ci sur leur dépouillement rigoureux, donc à soumettre le stendhalisme à la discipline des méthodes de l'histoire littéraire ; de là ses premiers articles (en 1936 dans des publications grenobloises, à partir de 1939 dans le Divan publié par un autre stendhalien émérite, Henri Martineau) puis sa thèse secondaire parue un an après la soutenance en 1955, sous ce titre extraordinaire, En marge des manuscrits de Stendhal, compléments et fragments inédits (1805-1820), recueil presque brut de textes inédits ou mal publiés, nécessaires pour étudier l'œuvre de jeunesse et les premiers ouvrages de Stendhal. Suit en 1959 la thèse principale, La vie intellectuelle de Stendhal. Genèse et évolution de ses idées (1802-1821), mise en forme de cette plongée dans les manuscrits, étude conduite pas à pas de la formation littéraire de Stendhal par lui-même et par ses lectures, à partir de tous ses écrits et de l'identification littérale de ses innombrables emprunts.

Dès lors sa personnalité critique, sa méthodologie spontanée étaient fixées : c'est un philologue qui aime les textes, et se passionne pour leur établissement ; un analyste qui contourne les études de synthèse (il publie tout de même en 1965 une biographie de Stendhal), qui affectionne l'étude pointue et positive : enracinée dans les faits, et surtout le fait du manuscrit. De là la coulée continue de ses articles, la suite massive de ses éditions (les éditions Rencontre, les sept Pléiade, les Œuvres complètes du Cercle du bibliophile, les livres de poche, récemment la Correspondance, etc.). Vittorio Del Litto n'était pas un « lansonien » attardé, il n'était pas non plus un généticien, (pour lui, tout fragment n'existait pas en soi, mais participait d'une orientation créatrice, d'un processus de sens). Son projet était personnel parce qu'il reposait sur une passion, un désir de Stendhal, qui était pour lui un homme qui écrivait, et avec lequel il cherchait une relation d'intimité autant que de savoir.

Libre de toute préoccupation biographique exclusive, peu attiré par une critique interprétative ou esthétique, ne témoignant pas de prédilection particulière pour le romancier Stendhal (pour donner sa mesure, il lui fallait explorer le labyrinthe des manuscrits de Lamiel), Vittorio Del Litto a cherché « son » Stendhal – qui était sans doute pour lui, au nom d'une identification singulière, son semblable, son frère –, dans le moment originel, dans les manuscrits, les notes marginales, les griffonnages, traces et signes de la personnalité créatrice à surprendre et à faire revivre. Dans le papier noirci et indéchiffrable, il y avait, invisible, derrière l'auteur surpris en train d'écrire, l'homme, Stendhal. Et dans cette intimité un peu initiatique, la rencontre capitale, c'était la saisie sur le vif de l'acte d'écrire, le flagrant délit de la[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne

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