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PROPP VLADIMIR IAKOVLEVITCH (1895-1970)

Folkloriste soviétique, Vladimir Propp appartient à ce groupe de formalistes russes dans lequel figurent Jakobson, Tomachevski, Chklovski, Bakhtine et qu'unit une réflexion commune sur les rapports du langage et de l'œuvre littéraire. Moins éclectique que beaucoup de ses compagnons, il s'est consacré exclusivement à l'étude du folklore, sans se livrer à des généralisations théoriques. De l'analyse du conte de fées, qui constitue sans aucun doute l'essentiel de ses travaux et qui occupa vingt années de sa vie, il tire une méthode qu'il applique, sans rigueur excessive et avec un bonheur inégal, à la byline : Russkij Geroičeskij Epos (1955, L'Épopée russe), aux fêtes agraires : Russkie Agrarnye Prazdniki (1963, Les Fêtes agraires russes), à divers sujets du folklore russe et international. Il poursuit parallèlement, pendant quarante ans, son enseignement à l'université de Leningrad.

Dans son premier ouvrage, La Morphologie du conte (Morfologijaskazki, 1928), Propp reprend le problème embrouillé de la typologie des contes : comment mettre de l'ordre dans une matière aussi protéiforme et fugace que les contes de fées ? La question est anodine, mais la réponse ne l'est pas dans son irrévérence : toute classification est inutile, ou d'importance secondaire, car il n'existe qu'un seul conte, diversement modulé. En se fondant sur l'analyse d'un corpus, les contes merveilleux recueillis par Afanassiev dans la Russie du milieu du xixe siècle, Propp démontre que tout conte peut être ramené à une séquence unique, composée d'une série de fonctions : méfait initial, départ du héros, acquisition d'un auxiliaire magique, combat victorieux et retour triomphal sont parmi les principales. Certaines peuvent manquer (on en compte trente et une au total), mais l'ordre de leur succession est immuable. La prolifération des épisodes est ainsi réduite à une monotone simplicité ; le dragon qui ravit la reine, la jument qui piétine chaque nuit le pré d'élection du souverain ou les méchantes sœurs qui méditent la perte de l'oiseau bleu sont parfaitement équivalents, puisque ces différents personnages remplissent une même fonction : perpétrer le méfait initial qui motive le départ du héros.

Le mérite de la méthode n'est pas mince, qui permet une analyse rigoureuse du récit. Forme pure, algèbre narrative, la séquence ne nous apprend pourtant rien des contes, si ce n'est leur identité fondamentale. Dans Istoričeskie Korni volšebnoj skazki (1946. Les Racines historiques du conte merveilleux), Propp pousse plus loin la recherche. Utilisant tantôt les matériaux accumulés par l'ethnographie comparatiste du xixe siècle ou du début du xxe, tantôt une lecture naïve des contes, mais d'autant plus attentive à leurs étrangetés, il fait sienne une hypothèse déjà avancée par Saintyves (pseudonyme d'A. Nourrit) dans Les Contes de Perrault et les récits parallèles (1923) : la séquence fondamentale des contes reproduit le déroulement des rituels d'initiation.

Tout conte se présente comme un voyage, et pourtant il ignore l'espace et le temps : « Il marche, il marche, et le voici arrivé », dit le conteur qui jamais ne décrit le trajet du héros ; c'est qu'il transpose, sans le savoir, dans un espace fictif les phases successives d'un rituel. L'une des étapes de l'itinéraire est celle où le héros se présente devant la Baba-Yaga, monstre anthropomorphe qui garde l'entrée de l'autre monde. Celle-ci prononce une phrase aussi mystérieuse que canonique : « Fou-fou-fou ! ça sent l'esprit russe ici ! » qui s'éclaire si on la rapproche d'un conte indien cité par Boas, dans lequel un homme va chercher sa femme au royaume des morts ; et ceux-ci de s'écrier « Il n'est pas mort ! Il sent très mauvais ! » à l'instar du cadavre[...]

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