JANKÉLÉVITCH VLADIMIR (1903-1985)
L’imprescriptible
Jankélévitch est désormais un homme public dont la parole est entendue, non seulement grâce à la radiodiffusion de ses cours à la Sorbonne mais aussi à ses prises de position politique nettes. Il cultive le souvenir de la guerre par de vibrants hommages qui célèbrent les sacrifices de la Résistance et devient notamment président de l’Union universitaire française. Les années 1960 conduisent à poser de nombreuses questions politiques relatives aux crimes nazis qui sont sur le point d’être prescrits. Jankélévitch ne cessera de souligner la spécificité de ces crimes (qui visent à détruire l’homme en lui-même, parce qu’il est homme) et de militer en faveur de leur imprescriptibilité, qui adviendra avec la loi du 26 décembre 1964. Une tribune intitulée précisément « L’imprescriptible » paraît le 3 janvier 1965 dans le journal Le Monde : le philosophe y pose comme impératif moral et juridique l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Il y va dans cet impératif de la responsabilité même des générations qui viennent. La question du pardon devient alors plus prégnante encore dans l’œuvre de Jankélévitch (Le Pardon, 1967 ; Pardonner ?, 1971). Si le pardon est une des expressions les plus hautes de la bonté d’un homme, les crimes nazis résistent à cette bonté car « le pardon est mort dans les camps de la mort » : il aurait fallu que le pardon soit demandé et que l’offensé puisse le donner. Toute l’œuvre morale contient chez Jankélévitch une dimension politique dans la mesure où la prise en charge des questions d’ordre moral implique toujours, sur un autre plan, le traitement des problèmes politiques du contemporain.
Après 1968 et son engagement public et motivé auprès des étudiants de la Sorbonne, Jankélévitch livre un autre combat politique : celui du maintien de l’enseignement de la philosophie au lycée qu’il défend, notamment avec Jacques Derrida, Michel Foucault et Michel Serres, lors des « États généraux de la philosophie » tenus en 1975. Après sa retraite en 1979, il continue de publier des essais sur la musique et sur la morale (notamment Le Paradoxe de la morale, 1981). Il meurt le 6 juin 1985 dans son appartement du quai aux Fleurs.
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Écrit par
- Pierre-Alban GUTKIN-GUINFOLLEAU : professeur agrégé de philosophie, doctorant à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm
Classification
Média
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