MAKANINE VLADIMIR (1937-2017)

La défaite de l'idéalisme

Makanine met les espérances déçues du « dégel » sur le compte non pas tant du pouvoir que de l'impuissance des intellectuels de sa génération, dont il tourne en dérision l'idéalisme naïf et l'incapacité à agir. Ainsi dans Deux Solitudes (Odin i odna, 1987), avec ses protagonistes confits de nostalgie, ou Le Retardataire (Otstavšij, 1987), qui dénonce les illusions sur le peuple que continuent de nourrir ses personnages, héritiers des populistes du xix^e siècle. La démission totale de l'intelligentsia est mise en scène dans La Brèche (Laz, 1991), une utopie négative. Dans un Moscou futuriste, une foule violente et dangereuse règne à la surface, tandis que l'intelligentsia, réfugiée dans les souterrains, glose sur la littérature et est condamnée à s'éteindre, malade de la tuberculose.

Ce qui a empoisonné l'utopie soviétique est au cœur de paraboles efficaces : les files d’attente dans Le Sujet du nivellement (Sjužetusrednenija, 1992), les camps dans La Lettre « A » (Bukva «A», 2000), les procès dans le kafkaïen Une table avec tapis et carafe au milieu (Stol, pokrytyjsuknom i s grafinomposeredine, 1993), les dénonciations dans Les Deux Sœurs et Kandinsky (Dvesestry i Kandinskij, 2011), ou encore le mensonge : le héros de La route est longue (Dolognaš put’, 1999) finit à l’hôpital psychiatrique, lorsqu’il découvre que la société dans laquelle il vit, et que le pouvoir présente comme idéale, repose en fait sur la violence.