MAKANINE VLADIMIR (1937-2017)

L'adieu à la littérature

Dans le roman Underground ou un héros de notre temps(Andegraund, iliGerojnašegovremeni, 1999), grande fresque des premières années de l’ère postsoviétique, Vladimir Makanine se situe en polémique explicite avec la grande littérature russe (le titre du livre renvoie clairement à Dostoïevski et Lermontov). Le temps n'est plus au romantisme ni à la littérature, les deux meurtres que commet le héros, écrivain sans domicile fixe et qui a cessé d’écrire après l’effondrement du régime soviétique, sont banals et sans transcendance. Contrairement à ce que promettait Dostoïevski dans L’Idiot, la beauté ne sauvera pas le monde. Elle n'aura pas sauvé davantage le jeune prisonnier caucasien que le héros du Prisonnier du Caucase (Kavkazskijplennyj, 1997), malgré le trouble clairement érotique qu'il ressent à son égard, étrangle pour qu'il ne se signale pas à ses frères d’armes. En cette fin de xx^e siècle mercantile, mesquine, même la guerre n’engendre plus d’exploits et n’est que routine désolante et absurde : le héros du romanAssan (Asan, 2008) est un commandant qui se livre à du trafic d’essence pendant la guerre de Tchétchénie. Il sera tué par un des soldats traumatisés qu'il a pris sous son aile.

Vladimir Makanine dresse un constat d’une grande noirceur : l'homme est cruel, grégaire et englué dans une vie dont le sens lui échappe. Et aucune construction sociale ne peut le protéger de ses angoisses existentielles. Tout en se montrant remarquablement en prise sur son temps, Makanine retranscrit le désenchantement du monde et l'opacité de la condition humaine.

Vladimir Makanine meurt le 1^er novembre 2017 à Krasny (Russie).