SOLOVIEV VLADIMIR (1853-1900)
Omni-unité, théandricité, sophiologie
Pour Soloviev, le temps est venu où la vérité chrétienne doit trouver, hors de tout malentendu et pour le choix ultime des hommes, son expression adéquate en tournant la rationalité occidentale dans le sens de la « monstration » de l'Absolu.
La connaissance empirique et rationnelle ne trouve sa signification qu'à la lumière d'une connaissance intégrale où l'adhésion au Christ nous dévoile toutes les dimensions de la théandricité ou « divino-humanité ». Celle-ci finalise aussi bien l'évolution naturelle que l'histoire. Soloviev élabore une vaste philosophie des religions qui reprend, nuance, approfondit sa première dialectique de l'Orient et de l'Occident et souligne, liée au sens de la matière et de la liberté, la mission imprescriptible d'Israël (au temps des pogroms, Soloviev s'est mis à l'école d'un rabbin pour apprendre l'hébreu ; il est mort en priant pour le peuple juif). En Christ, la divino-humanité se révèle en plénitude, le Logos s'unit à la Sophia. Pour Soloviev, en effet, la christologie prend toute sa valeur historique et cosmique en postulant une « sophiologie ». L'Absolu est à la fois le Néant apophatique et la Plénitude qui contient tout. Se révélant Amour, il se polarise en posant son Autre – le monde, absolu en devenir. Malgré le surgissement du chaos à travers la liberté de l'homme, la Sagesse ne cesse d'aimanter l'univers vers l'omni-unité, c'est-à-dire vers l'Amour trinitaire (qui unit la Bonté, la Vérité et la Beauté). La Sophia est toute-présence de Dieu et transparence secrète des choses, visage féminin rayonnant de tendresse et de chasteté, où se transfigure la matière. La « sophianité » des choses, ce point vierge en chacune offert à la Lumière, se réalise dans l'Église du Saint-Esprit et tout particulièrement dans la Vierge Mère, en qui l'« âme du monde », échappant au chaos, se fait à nouveau réceptacle de l'Absolu.
Le grand souci de Soloviev a donc été de préciser le rapport entre Dieu et le cosmos, entre Dieu et l'histoire. « Le christianisme n'est pas seulement règle de vie quotidienne, mais principe moteur de tout l'avenir de l'humanité. » Comment ? Soloviev a d'abord ranimé sous une forme « progressiste » la vieille utopie millénariste. Puis il s'est demandé si la « réussite », du progrès, prétendant guérir la soif d'absolu de l'homme et trouvant dans les masses d'Extrême-Orient une puissance impersonnelle, ne déclencherait pas une barbarie inouïe. Alors sa réflexion s'est portée vers ces béances ultimes que nul progrès humain ne pourra combler : la beauté, l'amour et la mort. Contre les tentations de l'antéchrist, elles constituent le lieu inexpugnable de l'Absolu.
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Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
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Autres références
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SYMBOLISME - Littérature
- Écrit par Pierre CITTI
- 11 859 mots
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...émotions nationales sa découverte du symbolisme. Plus tard, Alexandre Blok place Les Cantiques de la belle dame sous le signe et de Vladimir Sergueievitch Soloviev (1853-1900), prophète passionné, et contradictoire, de la destinée religieuse de la Russie, et du symboliste Brioussov. Altération du cosmopolitisme...