MAÏAKOVSKI VLADIMIR VLADIMIROVITCH (1893-1930)
Maïakovski est un des plus grands noms de la poésie russe contemporaine dont il a puissamment contribué à créer le nouveau visage. Dans le cadre de l'école futuriste, il affirme et illustre une conception révolutionnaire du langage poétique, liée à la fois à une exploitation approfondie du matériau verbal sous toutes ses formes, et à une intuition aiguë de la modernité urbaine et prométhéenne qu'il rehausse d'une certaine violence barbare. Sa contestation radicale du passé le conduit naturellement au premier rang des créateurs enthousiasmés par la révolution de 1917 et qui consacrent toutes leurs forces à promouvoir un art étroitement lié à ses ambitions démiurgiques. Pour Maïakovski, qui donne alors l'exemple de l'engagement politique le plus absolu, cet art doit être fonctionnel, constructiviste, c'est-à-dire se fonder sur l'acquis de tout le mouvement d'avant-garde du début du siècle (futurisme, cubisme, etc.). Ce programme, qui est à la base de la brillante floraison artistique des années vingt en Russie soviétique, dans tous les domaines (poésie, théâtre, cinéma, architecture), tombera progressivement en une défaveur qui touchera vivement Maïakovski. Par sa personnalité hors pair, sa haute stature, ses dons d'orateur et de récitant, le style romantique de son existence intensément reflété dans ses œuvres lyriques comme dans sa fougue militante, enfin par un saisissant mélange de notes jubilantes et tragiques, Maïakovski est devenu pour ses contemporains, au-delà de son génie poétique, une véritable figure de légende.
Le Front gauche de l'art
Vladimir Vladimirovitch Maïakovski naît à Bagdadi, dans le Caucase, où il passe son enfance jusqu'à la mort accidentelle de son père, fonctionnaire des Eaux et Forêts. La famille Maïakovski se fixe alors à Moscou où elle vit pauvrement. Maïakovski interrompt ses études secondaires pour militer au Parti bolchevik. À dix-sept ans, il est arrêté et emprisonné. À l'Institut de peinture, de sculpture et d'architecture où il reprend ensuite ses études, il entre en contact avec quelques jeunes qui compteront parmi les promoteurs d'une école d'avant-garde poétique : le futurisme. Converti à la littérature, il deviendra, avec V. Khlebnikov, le représentant le plus en vue et le plus dynamique du mouvement. Il se distingue lors des soirées de poésie nouvelle, intentionnellement provocatrices et tapageuses, par lesquelles les futuristes veulent donner une « gifle au goût public », selon le titre du manifeste publié par lui en 1913. Une première série d'œuvres majeures, produites entre 1914 et 1917, lui assure déjà une réelle célébrité. Il salue avec enthousiasme la révolution d'Octobre et fait partie du petit groupe d'avant-garde des futuristes, cubistes, constructivistes, qui acceptent d'emblée de collaborer avec elle et veulent être les initiateurs d'un art nouveau répondant à son esprit. Ce groupe anime, durant les années 1918-1919, la revue du commissariat du peuple à l'Éducation, Art de la Commune. Pendant les années les plus dures de la guerre civile, Maïakovski donne à son engagement une forme maximale. Il compose presque quotidiennement les dessins et les légendes d'affiches multipliées à la main, qui commentent de façon militante l'actualité politique et, exposées dans les vitrines des magasins vides, remplacent les journaux déficients. Ce sont les « vitrines Rosta » (Rosta : agence télégraphique russe). Avec la même passion d'efficacité, il réalisera plus tard des réclames célèbres pour les magasins d'État.
À partir de 1923, il dirige et anime le mouvement du LEF (Front gauche de l'art) rassemblé autour des revues LEF (1923-1925) et Nouveau LEF (1926-1929). Dans le grand débat d'orientation esthétique qui domine la première décennie[...]
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Écrit par
- Claude FRIOUX : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
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