VOEVODSKY VLADIMIR (1966- )
Mathématicien russe, lauréat de la médaille Fields en 2002 avec Laurent Lafforgue (France). Né le 4 juin 1966 à Moscou (Russie), Vladimir Voevoedsky a fait ses études supérieures à Moscou et à Harvard (États-Unis). Depuis 2002, il est professeur à l'Institute for Advanced Studies de Princeton (États-Unis).
Les travaux de Vladimir Voevodsky appartiennent à la géométrie algébrique. Il a développé la « cohomologie motivique » des variétés algébriques, et en a donné une application remarquable en établissant deux conjectures importantes de John Milnor (Médaille Fields 1962) en cohomologie galoisienne et en théorie des formes quadratiques.
Les variétés algébriques sont des objets topologiques définis par des équations algébriques. Pour démêler leurs propriétés, et à la suite de ce qui avait été fait en topologie depuis Poincaré, les mathématiciens leur attachent des invariants de nature plus simple, notamment une famille de groupes qui constitue leur cohomologie. Plusieurs théories ont ainsi été définies : cohomologie étale (Alexandre Grothendieck, Médaille Fields en 1966), K-théorie (Grothendieck, puis Daniel Quillen, Médaille Fields en 1978), K-théorie topologique (Michael Atiyah, Médaille Fields en 1966, et Friedrich Hirzebruch), groupes de Chow supérieurs (S. Bloch), cohomologies de Pierre Deligne (Médaille Fields en 1978) et Alexandre Beilinson, etc.
La théorie des motifs envisagée par Grothendieck est en quelque sorte un réceptacle pour toutes ces théories qu'elle éclaire et unifie. La cohomologie motivique construite par Voevodsky utilise des techniques profondes et difficiles issues de la topologie algébrique et de la théorie de l'homotopie, mais aussi des idées nouvelles en géométrie algébrique.
Le point de départ de la théorie est, suivant des travaux d'Andreï Suslin (1987), l'existence pour toute variété X d'un complexe de groupes abéliens sur X, défini très simplement en termes de sous-variétés algébriques de produits de X par un espace affine, très proche de ceux qui ont été construits par S. Bloch, et qui « calcule » l'homologie singulière de X à coefficients finis : bien qu'elle soit définie par des méthodes de topologie, et non par l'algèbre, cette dernière permet de la calculer.
Les complexes de Suslin et Voevodsky fournissent ainsi un pont entre géométrie et topologie. Comme ces complexes permettent de retrouver, pour tout corps F, sa K-théorie de Milnor, Voevodsky ramène la conjecture de Milnor à la comparaison de la cohomologie d'un même faisceau sur deux sites (Zariski/étale), puis à un énoncé d'annulation d'un groupe de cohomologie qui généralise le théorème 90 de David Hilbert, sous la forme que lui a donnée Emmy Noether. Cela généralise l'approche suivie pour démontrer la conjecture de Milnor en degré 1 (où elle revient à la « théorie de Kummer ») ou en degré 2 (travaux d'Alexander S. Merkurjev et Andreï Suslin). Dans le cas du degré 3, elle a été démontrée en 1986, simultanément par Markus Rost et par Merkurjev et Suslin.
Pour démontrer cet énoncé, Voevodsky utilise plusieurs ingrédients :
– Sa théorie des opérations de Steenrod en cohomologie motivique. Comme en topologie algébrique, ce sont des « opérations cohomologiques », au sens qu'elles fournissent une série de classes de cohomologie à partir d'une d'entre elles, liées par une famille de relations (relations d'Adem). C'est peut-être là l'apport principal de Voevodsky et ces opérations ont d'ailleurs eu d'autres applications en théorie des formes quadratiques. Comme en topologie algébrique, la construction des opérations de Steenrod nécessite celle d'une « théorie homotopique » des schémas, que Voevodsky a développée avec Fabien Morel.
– La construction, reposant sur des[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Antoine CHAMBERT-LOIR : docteur en mathématiques, professeur à l'université de Rennes-I
Classification