VODOU ou VAUDOU
Le vodou haïtien
Un ferment de résistance contre l'esclavage
Au xvie siècle, dès l'importation des esclaves africains dans l'île d' Haïti, les colons français mettaient tout en œuvre pour les porter à oublier leur passé : nouvelle stratification sociale avec des avantages accordés aux uns et refusés aux autres pour empêcher toute conscience de classe, mélange sur les mêmes plantations d'ethnies différentes (venues notamment des régions du Dahomey, du Nigeria), interdiction systématique de leurs cultes, et imposition à tous du baptême catholique.
Sans recours, dépossédés de leur langue et de leur religion, les esclaves réussissent à trouver le chemin d'une riposte à l'oppression. Ils seront acculés à redire leur identité dans une formulation nouvelle de leur passé : la création d'une langue commune – le créole – et d'une religion commune – le vodou –, ferment de cohésion culturelle et de résistance politique. Partout en Amérique où des Noirs ont été introduits, on assiste à la reproduction du même phénomène, notamment au Brésil, avec le comdomblé et le macumba, et dans les Caraïbes. Face à un christianisme imposé par les maîtres comme caution morale à l'esclavage, la tactique utilisée consistait à s'adapter aux rites et aux symboles de l'Église, c'est-à-dire à les intégrer dans leur propre système. Dans sa constitution même, le vodou restera marqué par la clandestinité, le « hors-la-loi ».
Même lors de l'indépendance (1804), quand l'esclave eut chassé le maître, celui-ci ne continua pas moins à hanter la conscience haïtienne par la langue française maintenue comme langue officielle du pays et par le catholicisme, qui restait religion d'État. Une constante de l'histoire haïtienne sera cette oppression (sous forme de refoulement) néo-colonialiste qui portera tous les gouvernements à s'aligner sur le modèle du maître. Cette marginalisation du vodou fut consacrée par la signature d'un concordat entre le Vatican et l'État haïtien en 1860 ; désormais, il revint à l'Église d'exorciser la conscience haïtienne de ses « survivances primitives » en lui imposant la façade de la culture occidentale. Portée par sa prétention à l'universalité, l'Église s'engagea dans plusieurs croisades contre le vodou dont la plus célèbre, la « campagne antisuperstitieuse » de 1941, fut organisée avec l'appui même du bras séculier.
Un langage de survie. Originalité d'un système culturel
Sans être réductible à un langage de frustrations sociales, le vodou apparaît, pour la plupart des Haïtiens des villes et des campagnes, comme le seul refuge contre une exploitation économique implacable et contre un système culturel étranger (langue, école, régime administratif, religion, institutions juridiques, etc.) auquel ils ont été contraints à se soumettre. En dépit du complexe d'infériorité qu'on rencontre chez nombre d'entre eux, le vodou continue à être pratiqué avec une sérénité déconcertante : c'est qu'il représente un système original qui semble satisfaire ses adeptes.
Le vodou, d'abord, offre à ses fidèles toute une mythologie et un ensemble de pratiques rituelles qui rendent compte à la fois de l'origine du monde, des lois de la nature, de tous les aspects de la vie sociale et individuelle et de tous les événements.
Au-dessus de tout, il existe Dieu, ou le « Grand Maître », créateur des génies (esprits appelés « Lwa ») qui sont au service de l'homme. Débonnaire et inoffensif, Dieu reste celui sans la permission de qui les esprits ne peuvent être efficaces. Si son nom est souvent invoqué dans la vie quotidienne, on ne lui rend cependant aucun culte, car, placé au fondement de la symbolique des esprits, le Grand Maître en constitue la réserve.[...]
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Écrit par
- Marc AUGÉ : président de l'École des hautes études en sciences sociales
- Laënnec HURBON : docteur en théologie, docteur en sociologie, chargé de recherche au C.N.R.S (section sociologie)
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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