VOIX, esthétique
Techniques vocales dans les théâtres d'Asie orientale
Dans les théâtres d'Asie orientale, que ce soit le jingxi chinois, le nô, le kabuki japonais ou le hat tuông, le hat chèo, le hat cai luong vietnamiens, la déclamation et le chant sont très importants.
Les techniques vocales varient d'un pays à l'autre et, bien entendu, elles diffèrent en de nombreux points de celles qui sont en usage en Occident. On ne trouve pas la même distinction entre voix de soprano, de ténor ou de baryton. La manière de respirer, de prononcer les mots ou d'orner les notes est parfois déconcertante pour un chanteur occidental.
Les timbres
Dans les théâtres des pays de l'Asie orientale, on recherche les timbres inhabituels de la voix, dans l'aigu comme dans le grave.
La voix dite « de tête » – ou « du cerveau », dans la tradition vietnamienne –, très proche de la voix de fausset, est utilisée dans la déclamation et le chant, dans le jingxi (Chine) et le hat tuông (Vietnam). Elle convient aux jeunes rôles masculins ou féminins. C'est ainsi que le xiaosheng, jeune homme dans le jingxi chinois, a une voix très particulière : une syllabe prononcée dans le grave est suivie d'une autre prononcée avec la voix de fausset.
La voix gutturale ou pharyngienne, un peu plus grave et plus sonore que la voix naturelle, se rencontre surtout dans le nô japonais ; c'est une voix qui, selon Akira Tamba, « donne une sensation d'intensité dramatique, d'énergie virile, de grandiloquence et de calme ». Dans le théâtre vietnamien, les rôles de vieillard utilisent cette voix, mais d'une manière moins large que celle du théâtre nô. Elle est obtenue en tirant le menton vers l'intérieur et en comprimant le gosier.
La voix de poitrine est celle des rôles de guerriers au « visage peint » dans les théâtres chinois et vietnamiens, une voix pleine, avec une grande puissance de souffle, et qui résonne dans la cavité thoracique.
Il existe d'autres voix particulières qui expriment les sentiments violents, comme la voix dite « du foie » (giong gan) ou celle « des intestins » (giong ruôt) dans la tradition vietnamienne, utilisées pour exprimer respectivement la colère et la douleur morale.
Le souffle
Chaque acteur doit apprendre à « prendre le souffle » (lây hoi). L'entraînement d'un acteur dans la tradition chinoise commence par des exercices de respiration : celle-ci doit être abdominale, et l'expiration doit être lente ; il s'agit là d'une technique respiratoire très proche de celle du yoga. Le souffle est si important que la cavité abdominale doit être vide pour faciliter la respiration, ce qui explique que les grands acteurs ne prennent pas leur repas avant le spectacle. Zeami (1363-1443), dans son traité des Seize Opuscules de l'émission vocale du nô, donne toute une série de conseils à ce sujet : « Il faut retenir le ton dans le souffle, entonner dans le ton, articuler les paroles avec les lèvres » (traduction de René Sieffert). Il y a, selon Zeami, deux sortes de voix : la voix horizontale qui procède de l'expiration, et la voix verticale qui a le timbre de l'inspiration, c'est-à-dire le timbre du son filé. « Par cet usage de l'expiration et de l'inspiration, on obtiendra une sensibilité sonore qui enrichit la voix et qui colore le chant » (traduction d'Akira Tamba).
La prononciation
Dans le jingxi chinois, l'art vocal réside dans l'exécution des chang bai, et l'acteur non seulement doit chanter mais déclamer dans un style poétique et récitatif en tenant compte du rythme de la phrase et des tons linguistiques, car le chinois, comme le vietnamien, est une langue à tons. Chaque syllabe doit être prononcée avec une certaine hauteur et une inflexion appropriée. Dans la tradition chinoise, il existe treize différents groupes de caractères[...]
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Écrit par
- Jacques PORTE : musicologue
- TRAN VAN KHÊ : directeur de recherche au C.N.R.S., président et directeur des études du Centre des études de musique orientale
Classification
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