BRAUN VOLKER (1939- )

Volker Braun naît à Dresde en 1939, quelques mois avant que les troupes nazies envahissent la Pologne et qu'éclate la Seconde Guerre mondiale qui lui ravira son père. Après des études secondaires et le baccalauréat, il commence des études de journalisme. Mais son attitude politique provocatrice lui ferme les portes de l'université. Vient alors le détour incontournable par « la production » : il est tour à tour apprenti imprimeur, terrassier, conducteur d'engins dans le Kombinat d'extraction du lignite à Schwarze Pumpe.

Lorsqu'il est autorisé à faire des études supérieures, Volker Braun se tourne vers la philosophie et étudie à Leipzig. C'est de cette époque que datent ses premiers poèmes, qui sont immédiatement remarqués et encouragés par Stephan Hermlin. Ce dernier, alors secrétaire de la section « langue et poésie » de l'Académie de beaux-arts, soutient les débuts d'un certain nombre de jeunes poètes : Volker Braun, mais aussi Sarah et Rainer Kirsch, Karl Mickel, Heinz Czechowski, Kurt Bartsch. La « vague de la jeune poésie » – c'est le nom qu'on lui donne – que souhaite le Moi poétique s'émancipe des carcans idéologiques et entre en conflit avec les fonctionnaires de la culture. Son manifeste pourrait être le titre – programmatique – d'un recueil de poèmes de Volker Braun, Provokation für mich (Provocation pour moi et d'autres) paru en 1965.

Son diplôme universitaire en poche, Volker Braun travaille quelque temps comme dramaturge au Berliner Ensemble et au Deutsches Theater, avant de renoncer à tout travail alimentaire pour vivre de sa plume. Poète iconoclaste, il refuse de sacrifier le présent à des lendemains heureux et met en lumière l'abîme qui sépare la réalité sociale de l'utopie politique, l'épanouissement individuel et le bien de la collectivité. Cette contradiction constitue le fil rouge de sa poétique.

Néanmoins, ce sont ses poèmes qui franchissent le plus aisément les filets de la censure (Gegen die symetrische Welt, 1974, Contre le monde symétrique). Il en va tout autrement pour son théâtre. Ses pièces sont rarement jouées, et lorsqu'elles doivent l'être il n'est pas rare que les répétitions soient interrompues, comme c'est le cas pour Gewara, ou Dimitri. Quant à sa prose narrative, elle rencontre presque les mêmes difficultés, en particulier sa célèbre nouvelle, Unvollendete Geschichte (Histoire inachevée), qui paraît en 1975 dans la revue est-allemande Sinn und Form, et en 1977 chez un éditeur ouest-allemand, mais ne sera publiée qu'un an avant la chute du Mur chez un éditeur de R.D.A. Il en va de même pour le roman Hinze und Kunze (1985, Le Roman de Hinze et Kunze) dont la censure retient la publication pendant quelque deux années. Dans un texte qui n'est pas sans rappeler Jacques le Fataliste, Braun rapporte les tribulations et les conversations d'un apparatchik et de son chauffeur. Là encore, les autorités du pays n'apprécient guère le ton impertinent de l'auteur.

S'il se montre fortement critique, Volker Braun ne sera jamais ouvertement un dissident. Il ne quitte pas non plus son pays, dont il accompagne de sa plume acérée la lente évolution vers le tournant démocratique. Plus en retrait que certains de ses collègues pendant les événements de l'automne 1989, il va tirer un bilan sans nostalgie de l'échec du « socialisme réellement existant » (Bodenloser Satz, 1990, Phrase sans fond) et continuer à pratiquer à l'égard de l'Allemagne réunifiée sous la bannière du libéralisme une poétique critique à l'humour grinçant (Die vier Werkzeugmacher. Eine Erzählung, 1996, Les Quatre Outilleurs). Il publie également LustgartenPreussen(1996) et DasWirklichgewollte (2000, Ce qu’on veut vraiment).

En 2000, l'Académie de poésie de Darmstadt lui a décerné[...]