ZELENSKY VOLODYMYR (1978- )
De président à chef de guerre
Le 21 avril 2019, Zelensky est élu, rassemblant plus de 73 % des voix contre le président sortant Petro Porochenko. Un résultat sans précédent : forte participation et électorat jeune, avec un parti devenu majoritaire dans pratiquement toutes les régions, mettant fin aux disparités politiques entre l’est et l’ouest. Un comble : l’évolution pro-occidentale de l’État est assurée par un président russophone qui, sitôt élu, doit prendre des cours d’ukrainien.
Le nouveau président, âgé d’à peine plus de quarante ans, rêve d’une Ukraine réconciliée et moderne, de services publics accessibles en ligne et de routes sans nids-de-poule. La réalité est plus crue. Zelensky est rattrapé par ce qu’il a tant dénoncé chez les autres : les petits arrangements entre amis. Il doit écarter son principal soutien, Ihor Kolomoïsky, et se séparer de plusieurs membres de son équipe. La société civile aussi le rappelle à l’ordre : alors que le Parlement s’apprête à entériner un projet de loi accordant l’autonomie à la région du Donbass, des milliers de manifestants crient : « Non à la capitulation ! »
A-t-il vu venir l’invasion russe du 24 février 2022 ? En tout cas, Zelensky endosse immédiatement le rôle de chef de guerre qui lui échoit et comprend le caractère dramatique de la situation. Il s’adresse à la population en ukrainien et en russe dès le matin de l’attaque, et annonce qu’il la tiendra quotidiennement informée de ses décisions. Zelensky a le sens du récit. Au fur et à mesure des événements, il s’exprime dans un style à la fois direct et simple, habillé en kaki comme ceux qui se battent ‒ plus question de se déguiser en chef d’État. Il trouve des formules chocs pour dire les véritables enjeux du conflit : « Si c’est nous aujourd’hui, ce sera vous demain. »
L’histoire de son pays, Zelensky en profite pour la sortir de l’ombre de l’URSS puis de la Russie, et la replacer paradoxalement au centre des attentions européennes. « Grand peuple d’un grand pays », c’est ainsi qu’il s’adresse à sa population, avec des mots que les instances internationales ont jusqu’alors oublié de prononcer. Est-ce le moment, sous les bombes, de casser les clichés ? Précisément, égrène Zelensky, au fil de ses discours. Tour à tour démagogue, flatteur, habile, rusé, il parle et démine aussi par les mots. Parler de crimes de guerre, c’est également se placer dans la perspective d’une justice. Il prononce le mot « génocide » le 4 avril 2022 quand il se rend à Boutcha après les massacres, terme repris le 11 du même mois par Biden et qu’Emmanuel Macron va récuser.
Pas question pour Zelensky de laisser l’Ukraine s’enliser dans un conflit oublié. Il déplore la décomposition des structures sécuritaires de l’après-guerre, déjà mises à mal. Alors qu’il a vu le mémorandum de Budapest de 1994 – qui impliquait la dénucléarisation de son pays contre des garanties de sécurité – devenir sous ses yeux un chiffon de papier, il lance United24, une plateforme d’assistance à l’Ukraine mais aussi d’entraide internationale propre à prévenir de nouveaux conflits.
Il en profite d’ailleurs pour étendre le concept de territoires « provisoirement occupés » – désignant jusqu’à présent la Crimée et le Donbass –, à l’Abkhazie, à l’Ossétie, puis à la Transnistrie, et même à la Tchétchénie. Il dessine ainsi d’autres contours, ceux des différentes agressions russes.
Zelensky est l’homme qui va vite, il brûle les étapes et annonce à l’automne 2022 qu’il veut bien négocier, mais « avec le suivant », pas avec Poutine.
Le profil atypique de Zelensky, sa rapidité d’adaptation aux situations les plus inattendues, héritée aussi de sa carrière d’acteur, lui aura permis de sceller son sort à celui de son pays.
(Voir[...]
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Écrit par
- Annie DAUBENTON : spécialiste de l’Europe centrale et orientale, ancienne correspondante à Moscou, puis conseillère culturelle à l’Ambassade de France à Kiev, collaboratrice à la revue Esprit
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