VOYAGE À TRAVERS LE CINÉMA FRANÇAIS (B. Tavernier)
Les métiers du cinéma
La question des métiers, ceux qu’exercent les acteurs dans les films et ceux du cinéma, donne également sa matière et son rythme au film. Ainsi met-il en relief d’autres professions. Le scénariste, d’abord, parfois proche du metteur en scène, parfois plus éloigné. On s’amusera beaucoup des méchancetés d'Henri Jeanson à l’égard de Carné, et on regrettera que Prévert n’ait pas été plus aimable avec ce cinéaste rigoureux et travailleur. Quant à Claude Sautet, conseiller précieux pour bien des cinéastes, il savait comme personne imaginer la scène qui manquait ou dénouait.
Le jour se lève permet à un grand décorateur, Alexandre Trauner, de se mettre en valeur. Contre les producteurs et dans l’intérêt du film, il bâtit un décor au sommet duquel il installe l’ouvrier suicidaire interprété par Gabin. L’analyse de séquence montre à la fois l’art de Carné et celui de son décorateur. Ce même film permet à un grand musicien de s’illustrer. Un chapitre entier est consacré à Maurice Jaubert. Il a mis en musique l’œuvre deJean Vigo ainsi que des films de Carné, et Truffaut lui rendra hommage en reprenant ses musiques dans L’Histoire d’Adèle H et dans La Chambre verte. Tavernier, fin connaisseur du jazz, et ami de Sautet pour qui Bach et Ravel donnaient le « la », analyse avec justesse cette musique de film française incarnée par Jaubert ou Kosma, où les instruments isolés rythment les émotions des personnages. Le film suivant le cours de la biographie, on voit l’enfant de la cinémathèque et des cinémas de quartier, et un bel extrait des Sièges de l’Alcazar, de Luc Moullet, rappelle l’état de ces salles ; on voit l’attaché de presse qui met en valeur les films du temps, dont la liberté l’inspire. On entend le texte critique de Roger Tailleur sur Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. On voit l’inventif Jacques Rozier tournant Adieu Philippine dans les rues de Paris. Si le passé touche Bertrand Tavernier, le présent et la modernité ne le laissent pas indifférent. On le sent à son commentaire d’un extrait d’Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson, dont l’usage singulier de la musique annonce ce qu’en fera Godard. Enfin, c’est encore l’attaché de presse de Pierrot le fou qui jouera sans doute un rôle majeur dans la reconnaissance de l’œuvre de Godard. Se rappelant l’hôte clandestin de son père, il invite Aragon à une projection… Cela donnera « Qu’est-ce que l’art, Jean-Luc Godard ? », grand texte critique, exercice d’admiration et geste de transmission entre deux poètes, l’un de l’écrit, l’autre de la pellicule. Le médiateur se nomme Bertrand Tavernier.
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Écrit par
- Norbert CZARNY : professeur agrégé de lettres modernes
Classification
Média