VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, Jules Verne Fiche de lecture
Un voyage initiatique
Voyage au centre de la Terre peut naturellement se lire au premier degré, comme une simple « histoire extraordinaire », ponctuée de planches qui ont fait rêver des générations d'adolescents. Il est cependant difficile de ne pas percevoir la signification symbolique d'un récit qui, par bien des aspects, renvoie aux mythes les plus universels comme aux pulsions les plus archaïques. Avant tout, le roman ressortit au récit d'initiation, dont il reprend la structure et la plupart des motifs. Axel, le jeune novice subit un certain nombre d'épreuves dont il sortira vainqueur. Comme souvent, le rite initiatique a pour objet le passage de l'enfance à l'âge adulte, passage dont le mariage (ici avec Graüben) est à la fois la récompense et l'attestation. Pour cela, le jeune garçon doit « tuer le père », c'est-à-dire prendre sa place : à la fin du roman, c'est Axel qui donnera des explications à son oncle médusé. Quant aux épreuves, elles peuvent toutes se résumer en une seule, centrale : l'épreuve de la mort. Le néophyte doit en effet « mourir », se dépouiller de ce qu'il est, pour mieux renaître « autre », expérience décisive à laquelle Axel n'échappe pas : « Après plusieurs heures, à bout de forces, je tombai comme une masse inerte le long de la paroi, et je perdis tout sentiment d'existence ! Quand je revins à la vie, mon visage était mouillé, mais mouillé de larmes. » Or, dans les mythes, cette épreuve prend souvent la forme d'un engloutissement (par un monstre) ou, ce qui revient à peu près au même, d'une descente « dans les entrailles de la terre » (ainsi pour Ulysse, Jason, Héraclès, Orphée...). Il existe au moins deux raisons à cela : d'une part, le voyage aux Enfers met le jeune homme en relation avec les ancêtres morts, lui permettant ainsi de nouer les fils du passé et du présent et de trouver sa place dans la filiation. D'autre part, le séjour in inferno est aussi régression ad uterum : il s'agit bien en effet d'opérer d'abord un retour à l'origine, de retourner à l'intégrité primordiale, pour mieux s'arracher à la puissance maternelle (expulsé par le monstre, rejeté par la terre : ici, le volcan recrache littéralement les explorateurs) et devenir enfin un homme à part entière.
On aura reconnu les grandes lignes du roman de Jules Verne. Dans les deux cas, le mouvement dans l'espace se double d'un déplacement dans le temps : et comme, fidèle en cela à l'esprit du mythe, Verne fait du trio d'aventuriers les représentants de l'espèce humaine, c'est tout naturellement que ceux-ci retrouvent le passé le plus lointain de l'humanité. Si Voyage au centre de la Terre nous parle encore aujourd'hui, enfants et adultes confondus, c'est sans doute plus par cette dimension mythique que par le savoir « scientifique » qu'il prétend transmettre, même si cet aspect n'est pas inintéressant, à titre de témoignage historique sur l'état des connaissances – physiques, biologiques, paléontologiques – en cette seconde moitié du xixe siècle.
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
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