KARADŽIĆ VUK STEFANOVIĆ (1787-1864)
Si les Slaves du Sud d'aujourd'hui peuvent s'enorgueillir d'être en l'état de s'exprimer dans leur propre langue et à travers leur propre littérature, ils le doivent essentiellement à l'un de leurs plus éminents compatriotes.
Pourtant, Vuk Stefanović Karadžić, père de la littérature serbo-croate, grand réformateur de la langue et de l'orthographe, fondateur du romantisme serbe, créateur de sciences nationales, linguiste, ethnographe et historien, vécut entre 1787 et 1864, ce qui prouve la jeunesse de l'expression littéraire en langue serbo-croate proprement dite.
Le trésor des chants populaires
Né à Tršić (Jadar), Karadžić est originaire de Monténégro d'où sa famille a émigré vers la moitié du xviiie siècle. Son prénom, Vuk, est lié à une superstition : Vuk, c'est-à-dire « loup », était destiné à décourager les sorcières. Sage précaution : Vuk leur résista durant soixante-quinze ans.
Bien qu'il fréquentât quelques écoles, rares de son temps, ce fut un autodidacte. Son mérite est de s'être battu toute sa vie pour faire adopter le parler du peuple comme langue littéraire, et il ne cessa de recueillir les chants populaires. En 1804, il prit part à la première insurrection serbe contre les Turcs, et il devint administrateur dans le soviet de Belgrade.
En 1813, la seconde insurrection serbe, violemment réprimée comme la précédente, entraîna une féroce vengeance des Turcs. Les occupants se livrèrent à des tortures extrêmement barbares. On put voir, à proximité de Belgrade, des cadavres mutilés, des suppliciés empalés agonisant pendant plusieurs jours, entourés de leurs proches. Le tableau de la Serbie oppressée et les poursuites engagées poussèrent Karadžić à l'exil à Vienne, où il mourut. C'est dans cette ville qu'il fit la connaissance d'un érudit slovène, Jernej Kopitar. Cette rencontre fut d'une importance capitale pour son œuvre. Émerveillé par la richesse poétique du peuple serbe, par la pureté de sa langue différente de celle pratiquée jusqu'alors dans les écrits, Kopitar stimula Vuk dans son effort et l'aida à se faire connaître de l'élite européenne (Goethe, Grimm, Ranke). Son premier Recueil de chants populaires (Pesnarica, 1814) suscitera de nombreux commentaires et un intérêt certain dans le monde cultivé.
Lamartine, avant son départ pour l'Orient, lut Les Chants populaires des Serviens dans la traduction d'Élise Voïart et les compara au « sabre de Damas » dont le tranchant coupe des têtes et le métal brille toujours comme un miroir. Charles Nodier, résidant dans l'Illyrie de Napoléon, reconnaît la simplicité classique de ces chants. Le musicien polonais Franciszek Mirecki en harmonise quelques-uns. Ce sont les premières mélodies laïques écrites dans la nouvelle musique serbe.
Les chants populaires serbes se divisent en deux groupes : épiques et lyriques. Les chants épiques glorifient l'épopée héroïque, la lutte pour la liberté nationale qui entraîna l'éveil de la pensée civique. Nikolaï Tchernychevski apprit la langue et la poésie populaires serbes chez Ivan Sreznjevski, biographe russe et disciple de Karadžić.
Quant aux chants lyriques serbes, Jacob Grimm s'écrie : « Je demande, à part le Cantique des Cantiques de Salomon, quel autre peuple encore pourrait montrer une telle richesse exquise de chants d'amour. De tous les Slaves, les Serbes, de par leur richesse poétique et leur langue extraordinairement pratique, sont les plus doués pour le chant et la narration. Il semble que le Bon Dieu ait voulu par le don riche de la poésie populaire leur compenser le manque de livres. »
L'œuvre poétique de Karadžić a également séduit les fondateurs du socialisme scientifique : Karl Marx et Friedrich Engels. Ce dernier écrivait, en 1863, à Marx : « Je comprends mieux[...]
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Écrit par
- Zoran STEVANOVIC : licencié ès lettres, professeur à l'Alliance française
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SERBIE
- Écrit par Amaël CATTARUZZA , Christophe CHICLET , Jovan DERETIC , Encyclopædia Universalis et Catherine LUTARD
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YOUGOSLAVIE
- Écrit par Christophe CHICLET , Encyclopædia Universalis , Catherine LUTARD et Robert PHILIPPOT
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