Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

W OU LE SOUVENIR D'ENFANCE, Georges Perec Fiche de lecture

Article modifié le

W ou Le souvenir d'enfanceest un   livre de Georges Perec (1936-1982) publié en 1975. L'auteur y fait alterner deux récits apparemment sans rapport : l'un autobiographique – l'évocation de ses parents et le souvenir de son enfance sous l'Occupation – ; l'autre purement fictionnel – la description d'une île imaginaire où le sport est roi.

La mention finale « Paris-Carros-Blévy 1970-1974 » suggère une élaboration de longue haleine. La genèse remonterait en réalité à l'année 1969, avec un projet de publication en feuilleton d'un « vaste ensemble autobiographique, s'articulant autour de quatre livres, et dont la rédaction [me] prendra au moins douze ans », l'un de ces livres, « Lieux », étant mentionné dans W.

Peut-être moins connu que Les Choses (prix Renaudot 1965) et La Vie mode d'emploi (prix Médicis 1978), W ou Le souvenir d'enfance n'en marque pas moins une étape essentielle dans l'œuvre de Perec, que, malgré son caractère énigmatique, il contribue à éclairer.

Un livre, quatre récits

W se compose de trente-sept chapitres. Il est divisé en deux parties séparées, entre les chapitres 11 et 12, par une page blanche avec trois points de suspension placés entre parenthèses et suggérant une interruption et une ellipse.

Dans la première partie, le narrateur de la fiction, Gaspard Winckler, annonce entreprendre, non sans hésitations, le récit de son voyage à W. Après avoir résumé sa vie depuis sa naissance à R – la mort de son père lorsqu'il a six ans, son adoption par un voisin, son départ pour la ville à seize ans, son engagement dans l'armée, sa désertion et son installation en Allemagne, puis à la frontière luxembourgeoise –, il explique avoir reçu un jour la lettre d'un certain Otto Apfelsthal, lui donnant rendez-vous « pour une affaire [le] concernant ». Son mystérieux interlocuteur lui apprend qu'il n'est pas celui qu'il croit, et qu'il existe en réalité un autre Gaspard Winckler. Apfelsthal se présente comme le gérant d'une société de secours aux naufragés, et c'est à ce titre qu'il rapporte les faits suivants : le « vrai » Gaspard Winckler, fils d'une célèbre cantatrice autrichienne, Caecilia Winckler, était un enfant de huit ans sourd et mutique, vivant prostré en permanence dans sa chambre. Membre par ailleurs d'une organisation caritative au service des orphelins, c'est Caecilia qui, dans l'urgence et faute de mieux, a donné au narrateur enfant le passeport de son fils, d'où la confusion. Par la suite, pour tenter de guérir celui-ci, elle a entrepris avec quelques amis une croisière au long cours en voilier, qui s'est achevée tragiquement, au large de la Terre de Feu, par un naufrage où tous ont perdu la vie, à l’exception du jeune Gaspard dont on n'a pas retrouvé le corps. L'objet de la démarche d'Otto Apfelsthal est de tenter de convaincre le « faux » Gaspard Winckler de partir à la recherche du « vrai ».

Parallèlement, le récit autobiographique (qui commence par cette affirmation paradoxale : « Je n'ai pas de souvenir d'enfance. ») mêle de façon décousue souvenirs assez flous de certaines scènes, descriptions de lieux ou de photographies, recherches sur les origines familiales, rappel du contexte historique et considérations sur le processus de la mémoire ou de l'écriture. Les parents du narrateur-auteur sont des Juifs polonais qui ont émigré en France dans les années 1920. Son père est mort au front en 1940, le jour même de l'armistice. Sa mère est morte en déportation. Avant d'être arrêtée et internée au camp de Drancy, elle avait eu le temps d'envoyer son fils à Villard-de-Lans, dans le massif du Vercors, où il a passé toutes les années de l'Occupation.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • GEORGES PEREC (C. Burgelin) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 284 mots
    ...les véritables enjeux de son travail. Ainsi, Les Choses (1965) passait pour un roman de sociologue, La Disparition (1969) était une performance, et W ou Le Souvenir denfance(1975), une combinaison peu compréhensible d’autobiographie et de dystopie. Burgelin relit précisément l’œuvre à partir...
  • SHOAH LITTÉRATURE DE LA

    • Écrit par
    • 12 469 mots
    • 15 médias
    ...parole à cette « mémoire amnésique » suppose une métaphorisation nouvelle, des formes inédites d'écriture. Le « E » perdu de La Disparition (1969) de Georges Perec, W, ou le Souvenir d'enfance (1975), qui est dédié à cette lettre disparue et qui mêle une mémoire scindée au récit de la découverte...
  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...1943. Cette double disparition participe de l’annihilation du peuple juif, pour une mémoire qui restera défaillante et marquée par une lacune irrémédiable. W ou le souvenir d’enfance (1975) est ainsi doublement divisé, en deux grandes parties et en deux formes distinctes de récit : un récit d’aventures,...
  • PEREC GEORGES (1936-1982)

    • Écrit par et
    • 5 379 mots
    • 1 média
    ...rêves durant trois ans ; Espèces d'espaces, essai sur la notion d'espace, qui commence par celui de la page, puis passe du lit au monde entier  ; W ou le Souvenir d'enfance et Je me souviens, séduisante recherche de faits appartenant à une mémoire commune mais qui avaient été oubliés. (De...