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WAGNÉRISME

Wagnérisme et antiwagnérisme

Le cas d'Hector Berlioz mérite une attention particulière, car il s'est trouvé, à son corps défendant, au confluent du wagnérisme et de l'antiwagnérisme européens, et en particulier français. D'une part, les wagnériens voulaient en quelque sorte l'enrôler comme précurseur de la « musique de l'avenir », ce contre quoi tout son être musical se cabrait, en une période où lui-même était tourné vers le radieux classicisme latin qui nimbe Les Troyens (1858). D'autre part, les antiwagnériens, ou bien l'associaient en effet à Wagner dans leur condamnation globale d'une rupture avec la tradition classique issue de Haydn et de Mozart, ou bien le revendiquèrent, surtout après le désastre militaire de Sedan (1870), comme flambeau conquérant du clair génie français face aux brumes germaniques.

Berlioz lui-même se défendit d'une façon ambiguë dans un fameux article du Journal des débats, où on lit : « Si l'école de l'avenir dit ceci : la musique, aujourd'hui dans la force de la jeunesse, est émancipée, libre ; elle fait ce qu'elle veut... si tel est le code musical de l'école de l'avenir, nous sommes de cette école, nous lui appartenons corps et âme, avec la conviction la plus profonde et les plus chaleureuses sympathies. » Mais où il a la bizarrerie d'écrire à propos du prélude de Tristan et Isolde, dont pourtant la merveilleuse ligne mélodique d'introduction est calquée sur la cantilène chromatique de sa propre « Tristesse » de Roméo et Juliette : « J'ai lu et relu cette page étrange ; je l'ai écoutée avec l'attention la plus profonde et un vif désir d'en découvrir le sens ; eh bien, il faut l'avouer, je n'ai pas encore la moindre idée de ce que l'auteur a voulu faire. »

En réalité, cette confusion des données est un produit caractéristique du goût français, et plus précisément parisien, pour la querelle d'idées. Car le wagnérisme et l'antiwagnérisme explosèrent et donc se définirent vraiment à Paris, le 13 mars 1861, à l'occasion de la création française à l'Opéra, et de la chute retentissante, de Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg (Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg, 1845). Au sujet de ce scandale, organisé par les membres élégants et turbulents du Jockey Club, furieux du peu de place qui était accordé à leurs protégées, les danseuses du corps de ballet, Berlioz, alors rendu amer par la difficulté qu'il avait à faire monter Les Troyens, n'écrivit rien dans la presse. « Courage négatif », constata Charles Baudelaire, qui par ailleurs avait une estime manifeste pour Berlioz, non seulement le musicien, mais aussi l'écrivain.

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Écrit par

Média

Tristan et Iseult - crédits : AKG-images

Tristan et Iseult