SWIERZY WALDEMAR (1931- )
Né en 1931 à Katowice, en Pologne, Waldemar Swierzy suit des études d'art graphique dans sa ville natale où se trouve la section graphique dépendant de l'université de Cracovie. Après avoir obtenu son diplôme (1952), il se rend à Varsovie, où il travaille comme professeur, décorateur de théâtre, illustrateur et affichiste (essentiellement des affiches de cirque). Il s'y montre particulièrement habile à exprimer, à travers l'image des animaux dressés, les « couleurs » de l'affectivité. Ce thème lui permet également de créer des compositions qui sont souvent des défis aux lois de l'équilibre et de la pesanteur. Le cirque de Waldemar Swierzy restitue l'innocence grâce à une virtuosité graphique exceptionnelle mise au service de la sensibilité.
Pendant les années 1960, il s'intéresse au pop art américain, non pour l'imiter ni pour recourir à l'esthétique de la bande dessinée, mais pour utiliser de manière plus délibérée les ressources de l'imagerie populaire, de la peinture traditionnelle, de la gravure – moins d'ailleurs pour se livrer à une imitation formelle que pour utiliser le type d'expression correspondant au sujet à traiter. Autant il sait se montrer « imagier » dans les affiches de cirque, autant il se montre d'un impressionnisme, d'un tachisme subtils dans les portraits qu'il réalise : celui du dramaturge Tadeusz Rosewicz traite à l'aide d'une multitude de traits jetés de manière apparemment hasardeuse, mais qui s'organisent en profondeur pour modeler le visage avec précision, tout en donnant une impression d'inachèvement, de présence et d'éloignement ; celui de l'écrivain et peintre Witkiewicz, « brouillé » comme une image de télévision en cours de constitution. Dans ces deux portraits, Waldemar Swierzy reste en deçà de l'image comme pour sauver le modèle de toute cristallisation. Dans ses portraits de musiciens de jazz – ceux de Louis Armstrong (1980), Count Basie (1985), John Coltrane (1988), Thelonious Monk (1989) ou Stevie Wonder (1992), en particulier –, il saisit la personnalité du musicien et souligne l'importance de la musique qu'il interprète : Armstrong est vu de face, couvert de gouttes de sueur qui sont autant de pièges où la lumière se prend ; entre ses dents très blanches brille une minuscule trompette tout en reflets. Ses portraits ont été exposés en 1993 lors des Rencontres internationales des arts graphiques de Chaumont.
Peu d'artistes ont saisi avec autant d'acuité une personnalité ou un moment historique. Pourtant les œuvres de Swierzy n'ont rien de l'esquisse. Dans une interview donnée à la revue Projekt, Waldemar Swierzy déclare : « Je consacre environ trois semaines à chaque affiche. Je rejette un tas d'esquisses, et je réalise souvent cinq ou six affiches grandeur nature avant d'arriver à une forme qui parvient à me satisfaire. »
Swierzy est aussi connu comme affichiste de théâtre. C'est à lui qu'est confié le soin d'annoncer la rétrospective d'affiches réalisées pour le théâtre Narodowy de Varsovie. On y voit la parole symbolisée par une bouche exprimant deux « moments » : celui, serré, de l'énonciation ; celui, ouvert, de l'inspiration. La bouche, féminine, dégage une étonnante sensualité ; la couleur rouge déborde la forme pour l'étirer dans le sens horizontal et signifier ainsi l'étalement du maquillage des comédiens. Cette couleur rouge, on la retrouve dans l'œuvre réalisée pour les représentations de La Dame de chez Maxim's de Georges Feydeau, au théâtre Rozmaitosci. Le texte est refoulé vers le coin gauche ; l'image de la « dame », vue comme à travers un liquide, est comme écrasée dans la partie inférieure de l'affiche par une immense chevelure rouge.[...]
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
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