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PATER WALTER (1839-1894)

Critique et essayiste anglais. Sa famille, d'origine hollandaise, donnait aux garçons une éducation catholique, et une éducation protestante aux filles. Walter Pater resta partagé entre des tendances diverses : un attachement sentimental pour le mouvement d'Oxford, pour le rituel et pour la liturgie ; une curiosité intellectuelle s'ouvrant sur l'hégélianisme et le relativisme ; une quête quasi mystique de la beauté, foyer où s'épanouit et s'épure notre vision du monde. Cet esthétisme a des liens avec le préraphaélisme, mais Pater l'érige en doctrine cohérente, en mode de vie. Célibataire, il trouva auprès de ses deux sœurs un foyer confortable et discret ; son élection, en 1864, comme fellow au Brasenose College d'Oxford, lui offrit une manière d'ermitage, propice à ses méditations et à la diffusion de son influence dans le cercle de disciples choisis.

Pater est l'expression parfaite, le produit le plus pur de ce que l'université anglaise peut apporter de raffinement à l'humanisme et d'élargissement à la culture — trop souvent indifférente en Angleterre aux valeurs de l'art —, en accueillant côte à côte l'Antiquité et le monde moderne, la peinture et la poésie, la Renaissance italienne et la française (Studies in the History of the Renaissance, 1873 ; Appreciations with an Essay on Style, 1889). Platon (Plato and Platonism : a Series of Lectures, 1893) est un centre d'où rayonnent et où reviennent sans cesse ses essais, mais Winckelmann et Coleridge, Wordsworth et Rossetti retiennent aussi son attention. Pater est plus qu'un critique littéraire : c'est un philosophe, un contemplatif, un distillateur des idées, des sensations et émotions que suscitent en lui tous les arts. Du monde extérieur il n'a connu que quelques paysages de France et ce qu'on pourrait appeler l'Italie des esthètes. La vie s'offre à lui comme un courant où flottent des Imaginary Portraits (1887), titre significatif, car tous ces profils d'exquis adolescents, frêles comme fleurs de serre, ces âmes ambiguës d'androgynes ont des airs de famille, rappellent les figures exsangues de Burne-Jones et annoncent l'avènement de la décadence fin de siècle. Par l'intervention de ces personnages, Pater pratique une manière de narcissisme qui nous révèle, par réfraction, les conflits infiniment complexes de sa vie intérieure, qui elle-même reflète les inquiétudes modernes.

C'est dans Marius the Epicurean (2 vol., 1885), son œuvre maîtresse, que, sous forme d'un roman historico-philosophique évoquant le temps de Marc Aurèle et du christianisme primitif, il concentre son expérience spirituelle, laquelle désormais tend à dépasser le scepticisme attentiste et l'hédonisme complaisant pour diriger les élans et les exigences de l'idéal vers une esthétique supérieure où, par la création de soi par soi, la vie devient elle-même œuvre d'art. On a trop longtemps négligé cet aspect de Pater pour ne retenir que les déclarations célèbres de la conclusion de ses études concernant la Renaissance ; celle-ci entre autres, parfaite pour définir la doctrine de l'art pour l'art, mais combien insuffisante pour évoquer, au-delà de la jouissance de l'instant, le continuum de la vie de l'esprit : « brûler d'une flamme dure pareille à une gemme ». Pater a exercé une grande influence, non pas tant par le contenu de son œuvre que par son attitude, toute nouvelle en Angleterre, en face de l'art, et par la magie d'un style aux secrètes cadences poétiques. Oscar Wilde, George Moore, Charles Morgan peuvent se réclamer de lui. Son meilleur interprète est peut-être Charles Du Bos, qui a magnifiquement défini l'ensemble de l'œuvre de Walter Pater comme « une musique de chambre de la vie intérieure ».[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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