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RUTTMANN WALTER (1887-1941)

Fils d'un commerçant aisé, Walter Ruttmann est né le 28 décembre 1887 à Francfort-sur-Le-Main. Violoncelliste accompli, il étudie l'architecture à Zurich à partir de 1907, puis la peinture à Munich. Blessé durant la Première Guerre mondiale, il est démobilisé en 1917, se remet à peindre des œuvres abstraites, s'intéresse à la théorie cinématographique et crée, en 1919, sa propre société. La peinture ne le satisfait plus, il veut y ajouter le mouvement. Plus proche, alors, des philosophes allemands du xixe siècle que des avant-gardistes de son temps, il réalise, avec Lichtspiel Opus 1 (Opus 1, 1921), un film qu'on dirait issu de l'« esprit de la musique ». Il s'agit du premier film abstrait à avoir été montré en public en avril 1921 et dont une copie ait survécu. Il dure treize minutes, intègre la musique (due à Max Butting) et la couleur dès sa conception. Grâce au lien direct entre la forme, la couleur, le son et le mouvement, l'ensemble donne une impression de grande fluidité, contrairement aux œuvres contemporaines plus rigides d'Hans Richter (Rhythmus 21) et de Viking Eggeling (Symphonie diagonale). Opus 1 aura une influence durable sur l'œuvre d'Oskar Fischinger.

Ruttmann cinéaste ajoute, au début des années 1920, un h à son prénom (Walther), orthographe parfois reprise par les historiens du cinéma. Établi à Berlin en 1923, il est en contact avec les courants avant-gardistes de la capitale, et mène à terme encore trois films abstraits : Opus II (1923), Opus III (1924) et Opus IV (1925), plus géométrisants que son opera prima.

Ruttmann réalise, entre 1921 et 1925, toujours de manière graphique, une dizaine de courtes bandes publicitaires. Il compose également la séquence animée Der Falkentraum pour Les Nibelungen de Fritz Lang (1924) et participe, avec Bertold Bartosch, à la création des arrière-fonds des Aventures du prince Ahmed (Die Abenteuer der Prinzen Achmed), un long-métrage d'animation de papiers découpés réalisé par Lotte Reiniger (1923-1926).

En 1925, le scénariste Carl Mayer conçoit le projet de Berlin Symphonie d'une grande ville (Berlin, die Synfonie der Grosstadt), qui doit évoquer, loin des décors de studios, en une composition harmonique d'images, la ville de l'aube à minuit, avec ses bâtiments, ses trains, ses couches sociales et leurs activités quotidiennes. Ce programme fait écho à diverses préoccupations de l'époque. La première City symphony (ou symphonie des villes) est Manhatta, un court-métrage de Paul Strand et Charles Scheeler (1921) filmé à New York. De son côté, Dziga Vertov milite, avec sa théorie du « ciné-œil » (1923), pour un cinéma non joué, sans acteurs et dans lequel la fonction du montage et la spontanéité des prises de vues contribuent à une réorganisation idéologique du monde : il illustrera ses thèses avec L'Homme à la caméra (Celovek Kinoapparatom, 1929), un classique du cinéma soviétique. Rien que les heures, d'Alberto Cavalcanti, une City symphonie de moyen-métrage, est distribué à Paris peu de temps avant le film de Ruttmann. Lorsque Berlin, symphonie d'une grande ville sort, en septembre 1927, c'est le premier long-métrage à synthétiser les diverses théories et points de vue formulés sur le sujet.

Walter Ruttmann - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Walter Ruttmann

On y retrouve la même harmonie entre découpage sonore et visuel que dans Opus I. Le matin, les rues et les places sont vides, les bruits sont à peine audibles, puis un ou deux individus apparaissent et la musique, composée par Edmund Meisel, se densifie. À midi, l'image est saturée d'hommes, de femmes, de véhicules (de motifs) ; l'activité sociale est à son zénith et le montage rapide entre plans de standardistes, de voitures, de travailleurs... suscite des accords sonores tonitruants. Berlin, symphonie d'une grande ville constitue, aussi, dans son[...]

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