WANG LES QUATRE (XVIIe s.)
La grande synthèse de Wang Hui
Un élève brillant
À la différence de ses amis lettrés, Wang Hui, appelé aussi Wang Shigu, était d'origine simple et n'obtint jamais de grade littéraire. Il naquit à Changshu, l'actuel Yushan, dans la même ville que Huang Gongwang, et montra de bonne heure des dons pour la peinture. En 1651, il fut découvert par Wang Jian qui, frappé par son habileté, le prit chez lui pour diriger sa formation de calligraphe et de peintre. L'année suivante, Wang Jian l'introduisit auprès de Wang Shimin. Ce dernier, intéressé également par les talents du jeune homme, lui proposa de venir travailler dans son studio de Taicang, occasion inespérée qui allait permettre à Wang Hui de voir les propres collections de Wang Shimin et celles d'autres artistes de la région.
Suivant l'enseignement de ses aînés et leur faveur pour le langage calligraphique qui offrait, à leurs yeux, les plus riches possibilités créatrices, Wang Hui commença à étudier le style de Dong Yuan et de Juran, ainsi que les maîtres Yuan (Huang Gongwang en particulier), refusant de laisser libre cours à son lyrisme naturel pour s'imprégner de leur esprit. Grâce à une maîtrise technique étonnante, il dépassa d'emblée le stade de la copie et s'attacha aux problèmes de l'organisation de l'espace. Dans le grand paysage daté de 1660 (Art Museum, Princeton University) à la manière de Huang Gongwang, et plus encore dans celui de 1664 inspiré de Juran, pics et vallées sont animés d'un mouvement interne, résultat de l'énergie et de la tension créées par les rides allongées à travers la structure de l'ensemble.
À la recherche de l'Antiquité
Dans son désir passionné de retrouver les secrets des peintres classiques et de saisir les différents aspects de la nature, Wang Hui comprit bientôt qu'il ne pouvait pas se limiter aux œuvres d'un seul maître ou d'une seule école. Aussi s'éloigna-t-il du cadre étroit des styles dérivés de Dong Yuan et de Juran pour essayer, dans une « grande synthèse », d'embrasser l'ensemble de la tradition picturale chinoise. Il rejoignait, en ce sens, les préoccupations de son époque. La constitution de grandes collections encyclopédiques, patronnée par Kangxi, souverain éclairé soucieux de remettre à l'honneur l'immense trésor intellectuel de la Chine, était un moyen d'action plus qu'une fin en soi, visant à reconstruire un art universel après la fragmentation de la fin des Ming.
Vers 1667, Wang Hui fit sa première étude sérieuse d'après Li Cheng, célèbre paysagiste des Song du Nord, dont le contour sinueux des formations rocheuses et les arbres aux branches griffues exigeaient plus d'habileté descriptive que de puissance calligraphique. Dong Qichang et ses disciples critiquaient ce style, trop spectaculaire à leur goût, et le classaient dans l'école du Nord, avec les œuvres vulgaires des professionnels. Wang Hui, au contraire, pensait que les deux aspects de la peinture, calligraphique et descriptif, étaient complémentaires et qu'à l'image « des ailes d'un oiseau » ils ne pouvaient s'employer indépendamment l'un de l'autre. Seul leur même degré de perfection permettait au souffle vital de traverser l'œuvre peinte. Le rouleau horizontal intitulé Les Couleurs des monts Taihang (1669, coll. E. Morse, New York) illustre de façon magistrale cette théorie. Wang Hui emprunte à Fan Kuan et à Guan Tong la technique des contours précis et des petits traits « en gouttes de pluie », mais il transforme les paysages statiques et majestueux de ces deux maîtres des Song du Nord en un tourbillonnement de roches d'une richesse inouïe.
La période de maturité de la fin des années 1660 se poursuit encore après 1670. Franchissant un pas de plus dans la découverte du sens[...]
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Écrit par
- Françoise DENÈS : assistante à l'université de Paris-VIII
Classification
Média
Autres références
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CHINOISE CIVILISATION - Les arts
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- 54 368 mots
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