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WANG LES QUATRE (XVIIe s.)

Wang Yuanqi : thèmes et variations

Un maître de la composition et de la couleur

Aussi bien sa formation familiale que sa carrière officielle semblaient destiner Wang Yuanqi à rester dans la lignée de ses prédécesseurs. Il fut, en fait, le plus original des maîtres orthodoxes de son temps. Né dans une famille de hauts fonctionnaires de Taicang et initié à la peinture dès son jeune âge par son grand-père, Wang Shimin, il obtint le grade de « docteur » à vingt-neuf ans. Il fut ensuite magistrat de district, censeur et membre de l'académie Hanlin. En 1700, Kangxi le nomma conseiller de ses collections artistiques et, cinq ans plus tard, responsable de la commission de compilation du Peiwenzhai shuhuapu, un catalogue en cent volumes des peintures et calligraphies de la bibliothèque impériale, publié en 1708.

Dans ses œuvres de jeunesse, Wang Yuanqi se montre un élève doué des maîtres Yuan et un admirateur passionné de Huang Gongwang, dont il perçoit à merveille l'art d'intériorité et de spontanéité. Bientôt pourtant, son pinceau énergique accentue certains traits et certaines valeurs tonales pour conférer à la peinture plus de grandeur spatiale. À partir de 1690, il fait un effort décisif pour se détacher des modèles, puis, entre 1693 et 1696, la façon particulière avec laquelle il cherche à traduire la texture des pierres se précise peu à peu. S'éloignant de la méthode traditionnelle des rides et des ponctuations à l'encre, Wang Yuanqi modèle et construit progressivement les roches, en blocs amoncelés, par une accumulation de traits, formant une ombre dense à l'endroit des contours. Le tronc des arbres, grêle et à peine courbé, est lui aussi délimité par une ligne fine et précise. Ce style trouve son origine dans une étude poussée des distorsions de Dong Qichang et dans une observation directe de la nature, repensée au cours de séances de travail répétées, avant même que le pinceau n'attaque le papier.

À partir des années 1700, les recherches de Wang Yuanqi parvenues à maturité amènent l'artiste à réduire les détails au profit des volumes et des plans. Cette tendance domine les œuvres les plus tardives, et, en général, les meilleures d'entre elles. Quelques thèmes simples empruntés le plus souvent à Huang Gongwang ou à Ni Zan servent de trame à des variations infinies, riches en allusions plastiques que la cohérence de la composition unifie.

Le paysage dans le style de Ni Zan de 1704 (Freer Gallery, Washington) offre un exemple de ce souci de construction de l'espace entraînant l'artiste dans des déformations complexes, inspirées du modèle (inclinaison irrégulière du sol, empilement de roches lourdes au-dessus des arbres minces du premier plan) ou sorties de son imagination (organisation dissymétrique de l'ensemble, incompatibilité des horizons droit et gauche). La couleur joue un rôle capital. À la différence de ses contemporains pour lesquels elle n'était qu'un élément rajouté après l'élaboration des formes à l'encre, Wang Yuanqi utilise les bleus, les verts, les bruns et les rouges pour accentuer la structure générale et faire des touches d'aquarelle un complément indispensable de l'œuvre.

La maîtrise du peintre, à son maximum, se manifeste dans le long rouleau (1711, coll. E. Morse, New York) représentant la villa de campagne de Wang Wei, évocation de l'univers de tout peintre lettré. Cette peinture, qui lui demanda neuf mois de travail, fut exécutée d'après une version gravée de la fameuse composition du maître Tang, mais sans souci de ressemblance. Traduisant sa vision personnelle de l'œuvre, Wang Yuanqi combine l'expression calligraphique de Huang Gongwang et de Wang Meng avec des traits de contour et de texture, fins et secs, dont l'effet puissant forme un débordement de roches. Aux masses montagneuses, mouvantes comme des vagues, correspondent[...]

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Deuxième voyage de l'empereur Kangxi, Wang Hui - crédits : AKG-images

Deuxième voyage de l'empereur Kangxi, Wang Hui

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  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

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    D'autre part, au début de l'époque Qing, le courant orthodoxe a été illustré par les « quatre Wang » : Wang Shimin (1592-1680), Wang Jian (1598-1677), Wang Hui (1632-1717), Wang Yuanqi (1642-1715). L'œuvre de ce dernier est particulièrement attachante : son art, très cérébral, peut paraître aride...
  • DONG QICHANG [TONG K'I-TCH'ANG] (1555-1636)

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    ...compositions préméditées, d'autre part à la spontanéité acide et désinvolte de ses feuillets d'album – lui assureront une double postérité à l'époque Qing : l'académisme éclectique des « quatre Wang » reprend son culte des modèles classiques, tandis que l'audacieuse originalité des grands individualistes (Bada...