WARGAMES

Les wargames, littéralement « jeux de guerre », sont des jeux de simulation où, prenant prétexte d'un scénario militaire – une grande bataille récente ou ancienne, imaginaire ou historique –, des joueurs s'affrontent autour d'un terrain plus ou moins stylisé, avec des pions ou avec des figurines et à l'aide de dés spéciaux et de règles fort précises.

Chercher les ancêtres des wargames, c'est retrouver les échecs : le caractère guerrier du chaturanga primitif a été abondamment souligné. Mais le weiqi chinois, qui lui est antérieur de plus de mille ans, est tout autant qualifié en matière de métaphore militaire. Plus près de nous, le jeu romain des latrunculi, lui aussi jeu de pions sans hasard, est tout entier fondé sur une image de la guerre : il y est question de milites (les pions), d'hostes (les ennemis), de phalanx et même d'imperator, pour désigner le vainqueur.

Il faut attendre le xvii^e siècle pour voir naître d'authentiques jeux d'initiation militaire : ceux-ci sont alors destinés à l'éducation des princes pour qui l'art de la guerre est une matière comme une autre, au même titre que le blason ou le latin. Dès 1654, on trouve dans La Maison académique des jeux, premier recueil de règles publié à Paris, un « Jeu de la Guerre », lequel « représente une forteresse assiégée & bloquée de tous costez ». Le mode de capture s'inspire de celui des dames.

Le besoin, en France puis en Allemagne, d'enseigner la stratégie et la tactique militaires est tel que nombre de jeux paraissent sous le règne de Louis XIV, puis tout au long du xviii^e siècle. Ce sont pour la plupart de simples jeux de parcours. Tels sont le Jeu éducatif sur l'art de la guerre (par Pierre Le Pautre, ingénieur ordinaire du roi, 1697), le Jeu des fortifications (1712 et plusieurs rééditions), Les Délassemens des élèves de Mars (1718), Les Travaux de Mars ou Nouveau jeu de la guerre (1767), etc.

En 1772, Jacques Antoine Hippolyte comte de Guibert, officier général, rappelait dans son Essai général de tactique quelques souvenirs d'adolescence où son père, lui-même alors (c'est-à-dire vers 1760) lieutenant-général et gouverneur des Invalides, faisait faire « en carton découpé des espèces de plans figurés et mobiles avec lesquels on représentoit toutes sortes de terrains. Sur ces plans, il m'expliquoit avec des figures de bois tout le mécanisme des armées [...] ; alors, nous formions deux armées et nous prenions chacun le commandement de l'une des deux ». On peut voir là un ancêtre direct des Kriegspiele qui fleuriront au siècle suivant.

C'est en Allemagne, toutefois, que ces formes de jeux stratégiques ont trouvé un terrain d'élection. La Prusse fut au xviii^e siècle, sous la férule éclairée de Frédéric II, un modèle d'organisation politique et d'efficacité militaire. Rien d'étonnant à ce que l'on y inventât le mot Kriegspiel, « jeu de guerre », et avec lui la chose qu'il désigne. Un premier Kriegspiel est décrit par un certain « M.M. » dans un livre intitulé Le Jeu de la guerre (Prague, 1770). C'est un jeu d'échecs modifié sur tablier 11 × 11, avec vingt-cinq pièces dans chaque camp. Mais on crédite généralement Helwig de l'invention de ce type de jeu, mis au point vers 1780 pour le duc de Brunswick. Il s'agit là encore d'un jeu d'entraînement militaire inspiré des échecs.

C'est surtout le premier-lieutenant de la garde-artillerie prussienne B. von Reiswitz qui fut le principal artisan de ces premiers Kriegspiele, améliorant sans cesse le matériel et les règles. Dès 1811, il avait attiré l'attention de la cour de Prusse et, en 1824, il fait paraître à Berlin un manuel intitulé Anleitung zur Darstellung militärischer Manöver, mit dem Apparat des Kriegspieles,[...]